Flirt avec les Femme(s) pas Pratique(s) de Hippolyte Hentgen

Si vous avez un peu la sensation que la Macronie penche plus du côté vermoulu des 70’s que du côté d’une décroissance bio, vous aurez de suite compris le propos malicieux du duo Hippolyte Hentgen avec son Flirt (pour un…avec toi, je ferais n’importe quoi…) qui rugissait dans l’auto-radio de la 204 familiale à l’époque. Le cadre est posé, à vous Minux !

Hippolyte Hentgen, Lobster, 2023 Collage sur papier — 52 × 44 × 4 cm (encadré) Photo A. Mole.
Courtesy Semiose, Paris.

La galerie Semiose accueille dans sa Project Room un ensemble d’œuvres récentes du duo Hippolyte Hentgen. L’installation fait suite à leur solo show à l’Artothèque de Caen (Femme pratique de juillet à octobre 2022) et fait écho à leur participation à l’actuelle exposition collective au MAC/VAL, « Histoires vraies » pensée par Franck Lamy. Le tandem réalise depuis quelques mois une série de peintures, collages, installations et vidéos autour de leur nouvelle marotte : Femme pratique, une revue emblématique des années 1970. Destiné à un lectorat féminin, le magazine se partage entre modernité et conservatisme, véhiculant clichés et autres rubriques reflétant une émancipation difficile, malgré le vent de liberté de la récente révolution de Mai 68. À partir de cet ensemble de revues, Hippolyte Hentgen entremêle avec humour les paradoxes et les questions de représentation dans leurs nouvelles œuvres.

Hippolyte Hentgen, Portrait, 2022 Collage, 42,6 x 32,5cm - Courtoisie Galerie Sémiose, Paris.

Hippolyte Hentgen est un duo d’artistes, composé de Gaëlle Hippolyte et de Lina Hentgen. Réunies sous le nom fictif de Hippolyte Hentgen, pensé comme une sphère de partage et un outil de mise à distance de la notion d’auteur, les deux artistes explorent un territoire de recherche principalement orienté vers l’image. Si leur pratique s’ancre dans le dessin, elles s’aventurent également dans d’autres champs de représentation, tels le spectacle, le décor, le film et la sculpture. En rejouant les codes de la bande dessinée et du dessin de presse, elles multiplient les tons (burlesque, naïf) et les références (de Jim Shaw aux cartoons des années 1930, de l’underground au modernisme, des motifs textiles aux papiers décoratifs japonais) et revivifient par glissement et greffe, une culture visuelle de masse. Puisant dans l’histoire de l’art comme dans la culture populaire, elles s’emparent d’images iconiques inscrites dans la mémoire collective et les restituent dans un immense collage protéiforme et composite d’une grande liberté stylistique.

Hippolyte Hentgen, Sanjo Dori, 2018, collage sur papier, 44,5 x 39,5 cm , courtesy Semiose, Paris ; photo : Rebecca Fanuele.

Ici, Hippolyte Hentgen ne cherche pas à mettre en avant la faillite de la fabrique des images à l’heure du capitalisme consumériste : elles ont toujours clairement exprimé leur rejet de cette idée, de même qu’elles refusent l’esprit de négation associé aux théories de la mort de l’auteur. Selon elles, “il ne s’agit pas de faire disparaître les traces d’un auteur ou d’un sujet”, mais bien plutôt de laisser réapparaître des fantômes de sujets ou d’auteurs. Leur pratique est œcuménique, égalitaire : sur la surface de leur page, se mêlent avec une énergie et une joie inédites des motifs issus de diverses cultures, époques et médias. 

« Peu importe pour Hippolyte Hentgen que leurs lignes soient tracées ou non par elles, qu’elles soient le produit d’une appropriation ou qu’elles soient formées à travers les compositions de leurs collages. Elles conçoivent plutôt le dessin et le collage comme partageant le même territoire : chacun est fondamentalement modeste ; chacun refuse la fluidité de la peinture en révélant à la place l’effort qui entre en jeu dans chaque geste ou composition. Selon elles, le dessin est par nature antihiérarchique en ce qu’il est ouvert sur le monde, qu’il change en fonction de ce qu’il exprime. Tout à la fois précis, méticuleux (le nuage cartoonesque et le super-héros) et exécuté avec quelques lignes vives (les annotations en rouge), le dessin sert ce qu’il vise à représenter. De ce point de vue, il est à la fois fragile et remarquablement généreux. »

A l’heure où l’art est de plus en plus confisqué par les collections des ultra-riches ( qui nous en font payer l’entrée) c’est assez réjouissant de vivre en direct, l’arrivée d’un quelconque contre-feu, aussi plaisant qu’icelui !

Jean-Pierre Simard le 8/05/2023
Hippolyte Hentgen - Flirt - ) 17/06/2023

Galerie Semiose - 44, rue Quincampoix 75004 Paris

Hippolyte Hentgen. "Friture sur la ligne"