Posts in CINÉMA
Qu’est devenu Martin Arnold ?

On se souvient peut-être des magnifiques détournements de films hollywoodiens que Martin Arnold réalisait à la fin du siècle dernier. Or depuis 2010 l'animateur s'attaque aux Mickey animés qu'il déconstruit en boucles tout aussi bégayantes, mais en maniant la gomme comme ses prédécesseurs le pinceau, avec toujours le principe qu'une histoire peut en cacher une autre.

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"Making of" de Cédric Kahn : Méta-film de casse (ouvrière)

Le cinéma se porte bien même quand des films qui s’en veulent les emblèmes font bruyamment accroire le contraire. Au chevet d’une condition ouvrière à l’agonie dont il braque les scènes héroïques comme un gauchiste sans révolution braque une pharmacie, Making of hystérise la représentation d’une conscience sociale parce qu’elle est tout ce dont le film de Cédric Kahn n’a aucun désir, sinon de préserver les hiérarchies. Prenez garde à la feinte putain quand elle s’agite, criant que tout va mal alors que pour elle tout va bien, merci.

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« Priscilla » de Sofia Coppola : Biopolitique de la jeune fille en fleur

On pensait la logique capitaliste de réification des individus avoir atteint son point marchand avec Barbie en 2023, dont How To Have Sex de Molly Manning Walker aurait été faussement le pendant débrido-peinturlureur quand il était thatchero-conservateur. C'était compter sans Priscilla, de Sofia Coppola, en ce début 2024, dans un film sur l'emprise, la logique d'effacement de son héroïne par le King, dont la prise Kong aurait été débranchée, en prise directe avec la logique du tout marchand, pour installer depuis et par son ennui profond une guerre de tous les instants contre un machisme ambiant que le film reconduit autrement et plus puissamment.

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Napoléon de Ridley Scott : Bo(naparte) is Afraid

Alien oblige, Napoléon vu par Ridley Scott tient du xénomorphe, le monstre jailli des entrailles sanglantes de la Révolution avant de valoir lui-même de ventre à toutes les folies totalitaires du XXème siècle. On s'étonne alors de l'indifférence du réalisateur à ses maux d'estomac qui, outre des questions de convenance vestimentaire, expliquent aussi son habitude de glisser sa main dans sa veste.

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Mandico lâche sa Conann dans le présent barbare qui troue

On sort du dernier Mandico assez atterré, confus et déboussolé de s’être pris dans les rétines une Conann qui fait plus fort que le Salo et les 120 journées de Sodome de Pasolini - carnage à tous les étages - et ça fait un choc de retrouver mêlés le Cocteau d’Orphée et le Jodorowsky d’El Topo qui œuvrent à l’infra-noir absolu pour secouer les consciences au rythme de l’actualité du monde contemporain. Décillé comme toujours et pop-maléfique pour le fun !

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« Killers of the Flower Moon », un film homicide de Martin Scorsese

Dans un film somme, Killers of the Flower Moon refait le portrait de l'Amérique. Ses nombreux poisons : l'argent, le libéralisme, le marché, le droit, la cupidité des individus, tous les crimes des États-Unis. Une logique de péchés que père Scorsese entend laver par un curieux acte final de contrition, non pas pour nettoyer l'Amérique de son rêve mais l'absoudre pour tout lui pardonner.

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Oppenheimer : du dilemme moral à la science de classe

Oppenheimer a la particularité d’introduire diverses questions dans le débat public, sur la nature et la légitimité de certains choix en matière de recherche scientifique, une fois que l'on s'est rendu compte qu'ils sont radicalement liés à une certaine ligne politico-idéologique. Cependant, les réponses que le film transmet au spectateur, comme le montre la citation d'ouverture, se rapportent très abstraitement au dilemme moral subjectif du scientifique qui a inventé une technique de destruction massive et ignorent presque complètement l'évidence des conflits sociaux irrémédiables - au niveau national et mondial - qui conduiront à la première utilisation de la bombe nucléaire et au climat de la guerre froide, des conflits qui jouent également un rôle important dans le développement de la narration de la vie du protagoniste.

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« Anatomie d'une chute » de Justine Triet : Du nez pour les yeux gris

Anatomie d'une chute n'est sûrement pas un grand film mais il est assurément le meilleur de Justine Triet. L'objet de tous les efforts d'une réalisatrice plébiscitée jusqu'à la remise de la Palme d'or, c'est de tenter de répondre en cinéma aux formes contemporaines de l'hystérie qui, on voudrait le redire, ne signifie pas la construction sexiste d'une maladie affligeant exclusivement les porteuses d'un utérus, mais le type de subjectivité valorisé par les derniers développements du capitalisme tardif, celui de la déresponsabilisation et de l'immaturation auxquelles tout le monde peu ou prou participe.

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« Le Jeune imam » de Kim Chapiron La dernière tentation du Fric

La devise de Kim Chapiron, dans Sheitan, était : « Ne leur pardonnez rien, car ils savent ce qu'ils font », inversant la parole de Jésus sur le Mont Golgotha à l'instant d'être sacrifié. Au front de la bêtise, le poing levé, écrivait Nietzsche. Ne pardonnons donc rien à son dernier film, Le Jeune imam, car, en effet, qu'il sache ou non ce qu'il fait, ce cinéma, à enclicher la banlieue, mériterait une bonne droite évangélique.

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Jacques Rozier n'a jamais manqué d'air : hommage à un flibustier du cinéma qui s’en va

Il existe des films qui ont la grande inspiration de donner à respirer comme jamais. Le cinéma est un monde qu'il faut incessamment déconfiner et c'est bien ce à quoi Jacques Rozier aura travaillé avec un sens inné de la fantaisie, qui est celui d'une liberté hasardée comme une école buissonnière pour Robinson d'occasion et amateurs des arts flibustiers. Car il n'y a d'aventure que dans l'errance et l'improvisation dont la visée est une gaîté émancipée de toute prévision.

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Cyril Schäublin, le kropotkinéphile qui fait désordres

Oser la reconstitution historique avec l’exactitude de l’horlogerie, et puis vérifier dans la foulée l’actualité d’un fragment méconnu d’Histoire en posant qu’elle repose sur un ensemble d’effets d’étrangeté, c’est à cette mécanique de précision que s’est attelé Cyril Schäublin. Il s’est agi pour lui de montrer comment, quelques années après la Commune de Paris, la vallée de Saint-Imier dans le canton de Berne aura été non seulement un foyer pour l’industrie horlogère, mais un incubateur d’anarchisme

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« Les trois mousquetaires : D'Artagnan » de Martin Bourboulon : Touché, coulé

Quelle nécessité y a-t-il à écrire sur un film, “Les trois mousquetaires : D'Artagnan”, dont nul ne peut ignorer que tout le mal qui pourrait en être dit n'affectera jamais son million d'entrée ? À quoi bon en parler, sauf à s'agacer les dents sur un os déjà rongé ? On voudrait plutôt en dire tout le mal, non pas pour empêcher quiconque à le regarder, mais au contraire pour inciter le monde entier, s'il était possible, à (bien) le voir.

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Narimane Mari : “On a eu la journée bonsoir”, ou le désir demeuré désir

Qu'un film soit capable de briser la mer gelée qui est en nous, moins comme la hache de Franz Kafka que comme la plante saxifrage chère à René Char. Qu'un film soit exactement au milieu du cinéma, à chaque fragment une exclamation, de chacun de ses plans un étonnement, un éclat, des cristaux d'intensités pour des différences de potentiel, rires et ritournelles. Des bouts de ficelle pour n'en pas voir le bout, jamais – remontages du temps subi. Des bouts d'enfance qui font tourbillonner l'origine dans les courants du devenir – pied de nez au néant, pirouettes cacahuète face au pire. On a eu la journée bonsoir de Narimane Mari est ce film-là, un poème d'amour et de mort – et du désir demeuré désir.

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Rosebud. De Citizen Kane au porno gonzo de Guillaume Richard

La cinéphilie a deux versants, ce n’est pas un dualisme équilibré, c’est une schizophrénie qui essaie de soigner ses fêlures avec les médocs de la pharmacie pop-gnostique et toc avant d’avoir la beauté, tragique, d’en assumer les poisons qui font vivre ceux qui en dépendent. Se faire lecteur de Rosebud le livre, c’est dès lors sceller l’alliance avec l’ami qui, un jour, a découvert que la rose cinéphile est un trou qui a deux côtés, face et dos, devant et derrière, avers, envers et revers – versos et rectaux.

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"Buongiorno, notte" et "Esterno notte" de Marco Bellocchio : Le sommeil, ses enfants et ses monstres

1978, l’Italie est sous haute tension. L’enlèvement d’Aldo Moro par les Bridages Rouges aurait pu mettre le feu à la plaine qui s’apprêtait à accueillir les mânes du « compromis historique » scellé entre la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste. Marco Bellocchio y est revenu par deux fois, avec un long-métrage en 2003 (Buongiorno, notte) et en 2022 avec une mini-série (Esterno notte). Le redoublement du retour mérite qu’on y revienne à notre tour tant il est le marqueur d’une époque dont on n’est toujours pas sorti.

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En même temps ? De deux choses, pas l’une ! (Godard versus Macron)

« En même temps » nous serine la rhétorique des temps consensuels ? On répond donc « De deux choses, pas l’une » parce que l’on sait devoir affronter la contradiction antagonique. On l’a dit, les mondes parallèles se touchent à l’horizon de la projection. À l’horizon du nôtre, critique, il y a la promesse qu’on n’en a pas fini avec Godard, qui nous donne des forces contre l’extrémisme de l’extrême-centre, et qui pourrait bien nous faire la surprise d’un prochain film posthume.

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“White Noise” de Noah Baumbach : le fascisme à bas-bruit

L'un des derniers films de l'année 2022, White Noise de Noah Baumbach, sorti le 30 décembre dernier sur Netflix, avait sans doute l'ambition de ramasser toute son époque : filmer la propagande médiatique, la crise sanitaire, la dépression généralisée d'un système capitaliste déliquescent et son porte-drapeau, les États-Unis, un contexte annonçant le fascisme qui gronde. Sauf qu'à le marteler, White Noise finit lui-même par (se) fasciser.

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