Posts in CHRONIQUES
Camus en mille Meursault par Claro

Certains écrivains ont une réputation, d'autres quasiment une aura, alimentée non par la lecture ou l'étude de leurs textes, mais par le fantasme qu'on s'en fait en fonction d'intérêts propres. Une fois adoptés par le plus grand nombre, ils voient leur pensée se diluer dans le premier système venu, dès lors qu'ils peuvent servir à neutraliser d'autres écrivains. Ainsi en va-t-il de Camus. Tout le mérite du livre d'Olivier Gloag – Oublier Camus – est de remettre les pendules à l'heure sur l'auteur de La Peste.

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Heiner Müller | Penser est fondamentalement coupable

L’ouvrage n’existe plus, il n’est plus réimprimé. Fautes d’impression rassemblait des notes et des entretiens d’Heiner Müller. Parmi ces textes, choisis par Jean Jourdheuil, celui-ci : Penser est fondamentalement coupable. [Si le livre est désormais indisponible chez L’Arche, un autre recueil d’entretien est paru, en 2019, aux éditions de Minuit, mais sans ce texte]. Quelques pensées, en éclaireurs, arrachées ici.

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Penser au-delà de la peur. Par Panagiotis Sotiris

Notre principale défense contre le danger n'est pas de se désengager de notre sociabilité, ni de se plier passivement à une panique personnalisée ou à l'acceptation aveugle de toute sorte de restriction. Surmonter la peur passe par la conscience que nous vivons parmi des dangers que nous pouvons gérer précisément parce que nous pouvons, à travers nos pratiques sociales collectives, inventer collectivement des formes, des mesures et des techniques collectives qui rendent nos vies meilleures et moins dangereuses. C'est exactement le pari qui est maintenant devant nous.

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R.I.P. Cédric Demangeot : de tous les poètes contemporains, la plus forte impression pour Claro

De tous les poètes contemporains, vivants, brûlants, c'est sans doute celui qui m'a fait la plus forte impression. Ecrivant cela, j'aimerais que cette formule, si convenue – la plus forte impression – puisse être entendue comme pour la première fois, dans sa précision sensible : la plus forte impression. Cédric Demangeot est décédé dans la nuit du 27 janvier 2021.

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Atlas des villes qui n’existent pas | Tchernobyl. Par Arnaud Maïsetti

On demandera alors — pas deux fois, et avec force matraques et uniformes — de quitter les lieux. Déguerpir serait plus juste. On déguerpit donc. On remplit une valise, en hâte ; on laisse les assiettes sur la table, le verre à moitié vide, à moitié plein. Il est deux heures de l’après-midi, tout est fini. On leur dit vous reviendrez dans deux jours, trois peut-être. Personne ne reviendra plus jamais.

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Visages du masque. Par Arnaud Maïsetti

On n’avancerait plus que masqués : mais seulement la moitié du visage. Assez pour être vus et suffisamment pour n’être pas reconnus ? Ce qu’il faut pour ne pas pouvoir respirer. Evidemment, le masque est le fétiche parfait de l’époque, son incarnation. Jusqu’au renversement du stigmate. Les masques qu’on interdisait autrefois — il y a deux mois — dans la rue sous peine de matraque, on les oblige désormais : sous quelle peine ? Monde qui suffoque, impose à tous cette odeur de renfermé subie dedans, subie désormais dehors.

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Ne pas laisser dire. Par Claro

J’imagine leur petite satisfaction intérieure, quand ils se disent : au moins, il n’y aura pas d’après, ce sera juste une très lente relaxation du maintenant, au pire on aura qu’à agiter le grand épouvantail du deuil national pour empêcher les mécontents de la ramener. On ne passera pas de l’état d’urgence à l’urgence de changer l’Etat, ouf. On baissera les amendes, le périmètre de jogging sera agrandi, les gens pourront entrer à deux puis trois puis quatre dans les boulangeries, les librairies lèveront de quelques centimètres par jour leur rideau de fer, on vendra deux fois moins cher le coffret dvd de Grey’s Anatomy, etc.  On ne laissera pas dire, pas faire, pas penser, pas circuler – enfin, pas comme ça. Il faudra la jouer subtile. Humble. De toute façon, on va leur demander de redresser l’économie, alors ils auront autre chose à faire que nous chercher des noises…J’imagine – aussi – leur étonnement si ça ne se passe pas tout à fait comme ça.

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Le spread. Par André Markowicz

Tout récemment, il y a cette phrase, de la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, à propos du port du masque, rendu obligatoire (nécessité que je ne discute évidemment pas) : "Je pense que chaque consommateur sera assez vite en position de choisir ce qui lui convient le mieux. En fonction du rapport qualité/prix, de la durabilité, du confort ou du style. » — Ainsi, pour Agnès Pannier-Runacher, même devant la mort possible, l’être humain est d’abord un consommateur.

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In memoriam P.G.

C'était mon premier feuilleton de rentrée 2018 dans Le Monde des Livres, lors de la parution d'Idiotie, de Pierre Guyotat, mort il y a quelques jours à l'incessant mitan de son œuvre — une œuvre que j'ai découverte au début des années 1980 et qui, livre après livre, m'a été tuteur, défi, énigme, partition, horizon, scandaleusement proche et terriblement lointaine, une œuvre que je m'étais mise à relire intégralement et chronologiquement il y a deux ans, la redécouvrant comme si sa masse critique avait enfin libéré toute sa complexe énergie.

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Les contents, par André Markowicz

Dans l’extrait d’Apostrophes qui tourne en boucle ces derniers temps sur internet, ce qui me frappe, c’est la toute fin de l’émission. Quand Matzneff est réellement surpris de la violence de l’attaque de Denise Bombardier, mais, en fait, quand il est surpris par deux autres choses. La première, c’est que visiblement à l’inverse de tous les autres invités, à commencer par Pivot lui-même, elle, elle ne tombe pas sous son charme et elle ne sourit pas quand il parle. Elle ne l’admire pas. Parce que, tous les autres, finalement, ils sourient, d’un sourire gentil : « le gentil farfadet que voilà... » ou « celui-là alors... ». Et puis, il est surpris par l’attaque elle-même : comment se fait-il que la vie, la société, vienne le juger, lui — pas lui Gabriel Matzneff, non. Lui, l’écrivain. Lui, le grand écrivain. L’esthète. La littérature.

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