Le silence très bruyant de Nia Archives (fait beaucoup de bien)

Avec la sortie de son premier EP, Headz Gone West, en 2021, Nia Archives a immédiatement trouvé le bon filon, mêlant harmonieusement les breakbeats jungle à l'introspection décontractée de la néo-soul. Deux autres EP ont amélioré la formule, et la chanteuse/productrice a remporté de nombreux prix, s'imposant comme l'une des figures de proue du regain de popularité de la jungle. Qui dira 1994 se retrouve en 2024 ?

Silence Is Loud, son deuxième album sur une major (après Sunrise Bang Ur Head Against the Wall EP, sorti en 2023, qui s'est hissé en tête des classements dance au Royaume-Uni) et son premier album complet, est son travail le plus accessible jusqu'à présent, avec des valeurs de production plus pointues, tout en conservant les qualités et les caractéristiques de ses travaux précédents.

L'album a été coproduit et coécrit par Ethan P. Flynn, connu pour son travail avec FKA twigs, Jockstrap, Black Country, New Road et d'autres. Deux des points forts des précédents EPs de Nia, le réfléchi "So Tell Me..." et le plus bass-heavy "Forbidden Feelingz", font des apparitions répétées sur l'album. Le titre d'ouverture est l'une des chansons les plus intenses et palpitantes de Nia, avec une distorsion hurlante et des rythmes 4/4 lourds dissimulant des paroles sur le sentiment d'être perdu sans quelqu'un, et de ne pas vouloir être trouvé. "Crowded Roomz" aborde de la même manière le sentiment d'isolement, en particulier lorsqu'elle est en tournée. La chanson d'amour estivale "Cards on the Table" est l'un des moments les plus insouciants de l'album, mais presque tous les autres titres sont empreints d'anxiété et de doute, qu'il s'agisse de problèmes relationnels ou de frustrations familiales.

Pourtant, tout se passe facilement et de manière palpitante grâce à la combinaison gagnante de breakbeats claquants et de la personnalité charmante de Nia, ainsi que des mélodies de guitare carillonnantes influencées par la samba et le rock indé rêveur. Même si ses paroles peuvent parfois être un peu trop directes, elle est toujours sincère, et ses meilleures chansons sont tout à fait racontables. Personne d'autre ne fait de la jungle aussi introspective tout en restant fidèle aux racines sound system du genre, avec un son suffisamment brut pour enflammer une rave et suffisamment accrocheur pour passer à la radio. On est assez loin du talking loud and sayin nothin : plutôt du côté de Roni Size pour l’approche large et grand public qui se laissera peut-être aller en rave… . Seuls les béotiens ne trouveront cela pas à leur goût. Enjoy !

Jean-Pierre Simard, le 24/04/2024
Nia Archives - Silence is Loud - Island