Une guerre a été déclarée contre Assa Traore, par Geoffroy de Lagasnerie

Dans quelques semaines une scène extraordinaire ou catastrophique va se produire au tribunal de Paris : Assa sera sur le banc des accusés et les gendarmes sur celui des victimes. Grace à notre mobilisation aujourd'hui et dans le futur, nous pouvons donner à Assa le pouvoir de subvertir la scène, de l’inverser, de parler haut et fort et de pouvoir dire clairement en regardant les gendarmes : je n'ai pas peur, je peux vous regarder dans les yeux, j'ai les moyens de dire la vérité : c’est vous qui avez tué mon frère. C’est vous qui êtes responsables de la mort d'Adama Traoré.

Quand on se lance dans une bataille politique il est évident que l’on s'attend à ce que l'adversaire rende les coups.

Mais je pense que, nous toutes et nous tous ici, nous avions en quelque sorte toujours pensé qu'Assa Traoré serait intouchable, que les forces de l'ordre et celles et ceux qui mettent leur pouvoir à leur service n'oseraient pas aller jusqu'à s'en prendre à elle personnellement, à la cibler, à la viser. Jusqu’à il y a quelques semaines, ils ont réagi au Combat Adama en s'en prenant aux jeunes de Beaumont, de Persan, de Champagne dont beaucoup - plus d’une vingtaine - ont été incarcérés ou interdits de territoire. Ils ont visé les membres de la famille Traoré : cinq frères d’Adama et d'Assa ont été incarcérés. Ils ont organisé des expéditions punitives dans le quartier de Boyenval, ils ont publié des mensonges, ils ont menti sur les expertises... Mais comme le Comité Adama a su répondre à chaque fois, comme le Combat Adama a monté en puissance à mesure qu'ils pensaient l'affaiblir, ils ont décidé de passer un cran : ils s’en prennent aujourd'hui à Assa.

Une guerre a été déclarée contre Assa Traore. En octobre, quatre procédures ont été simultanément déclenchées contre elle, pour diffamation ou des prétextes absurdes (organisation d’événements sportifs non déclarées par exemple pour avoir organisé un jeu de boxe pour enfant dans son quartier). Le caractère coordonné de ces attaques montre que nous avons affaire ici à une stratégie consciente et volontaire. Elle a pour but d’affaiblir Assa, de l’abattre.

Très souvent, lorsqu'un mouvement est confronté à ce genre d'attaques, nous répétons que rien ne nous pourra nous arrêter, que nous sommes instoppables - "we are unstoppable". Mais nous savons tous au fond de nous que c'est faux. Nous sommes stoppables parce que nous sommes humains. Une lutte, c’est très précaire, c'est très fragile, ça tient à peu de choses. Cela peut s'arrêter et il suffit de se reporter à l’histoire américaine du Black Panther Party pour savoir qu'il est arrivé que les autorités parviennent à démanteler et à décimer un mouvement. Il est tout à fait possible qu’un jour il n’y ait plus de combat Adama, qu’il n’y ait plus de Assa Traoré. Nous sommes aujourd’hui confrontés à la possibilité d’un cauchemar

Imaginez : un monde sans Assa Traoré, un monde sans Combat Adama. Ce serait insupportable. Mais c'est tout à fait possible, et c'est ce qu’ils veulent.

Cette soirée est historique car il s’agit de lancer la contre offensive contre leur contre offensive. Et si nous ne voulons pas voir leur plan se réaliser, il faut tout mettre en œuvre pour soutenir les conditions matérielles la production des luttes.

La guerre déclenchée contre Assa Traoré est d'abord une guerre économique. Je sais que nous sommes tous un peu mal à l’aise lorsque nous parlons d'argent, lorsqu’il s’agit de lier le combat politique avec la question de l’argent.

Nous en parlons souvent en fin de meeting, comme s'il s'agissait d'un à côté, et nous faisons circuler, presque un peu honteusement, une boite pour récolter des dons. Peut être est-ce d’ailleurs une stratégie subtile du pouvoir de rendre à ce point difficile d'aborder directement et j'allais dire noblement la question de l’argent. Nous avons incorporé des images de l’action politique où nous valorisons des pratiques comme la manifestation, l'occupation, peut-être même la casse. Ce sont bien sûr des pratiques très importantes. Mais il y a des moments où c'est l'acte simple, anonyme, de contribuer à une cagnotte qui constitue l'action de résistance la plus forte et la plus politique. Contribuer à une cagnotte peut être un geste aussi puissant que manifester. C'est ce qui est en jeu aujourd'hui.

Assa Traoré le dit souvent " Avec les impôts, L'Etat prend notre argent pour lutter contre mes frères et moi. On doit se défendre en payant avec de l'argent que l'on n'a plus. L'Etat utilise notre argent pour nous persécuter." Aujourd'hui, il faut diffuser le message que la question économique est devenue centrale dans le combat Adama et tout ce qu'il porte. La condition pour qu’Assa et ses soutiens puissent continuer tout simplement à dire la vérité contre les mensonges d'Etat, c'est le soutien économique, même minime. Il faut diffuser le message partout à celles et ceux qui sont choqués, dégoutés, en colère de ce qui se passe que, lorsque c'est possible, l'une des plus manière d'agir concrètement et directement les plus puissantes est de contribuer à la cagnotte et de relayer cette campagne internationale de soutien.

Les gendarmes ont porté plainte contre Assa Traoré pour diffamation parce qu'elle a dit la stricte vérité, celle que tout le monde sait et qui a été démontré scientifiquement, à savoir qu'ils sont responsables de la mort de son frère. Assa est aujourd'hui pris dans un système clos où la justice veut imposer comme vérité un mensonge et fait passer pour des menteurs celles et ceux qui disent la vérité. Et comme ce sont les mêmes, il y a ici comme un effet d’enfermement total - un système d’emprisonnement de la parole.

Cette guerre contre la liberté d'expression se fait à l’aide de la pression économique. Il y a nécessairement un moment où les amendes s’accumuleront et où on ne peut plus parler, où Assa ne pourra plus dire la vérité. C'est une forme de retour à la censure d’État. Mais justement, en donnant de l'argent à Assa, nous la libérons en quelque sorte de cette situation étouffante, nous défions l’Etat, nous contournons le pouvoir qu’il croit détenir - nous créons notre propre contre État qui autorise Assa à dire la vérité à l'Etat français, nous affirmons son droit à la parole.

Dans quelques semaines une scène extraordinaire ou catastrophique va se produire au tribunal de Paris : Assa sera sur le banc des accusés et les gendarmes sur celui des victimes. Grace à notre mobilisation aujourd'hui et dans le futur, nous pouvons donner à Assa le pouvoir de subvertir la scène, de l’inverser, de parler haut et fort et de pouvoir dire clairement en regardant les gendarmes : je n'ai pas peur, je peux vous regarder dans les yeux, j'ai les moyens de dire la vérité : c’est vous qui avez tué mon frère. C’est vous qui êtes responsables de la mort d'Adama Traoré.

Justice pour Adama !

Lien vers la cagnotte : https://www.okpal.com/adama-traore/#/

Geoffroy de Lagasnerie