Un syndicat de parents des quartiers populaires apporte son soutien à Sud éducation 93

L'organisation d'un stage syndical sur le racisme à l'école, incluant deux ateliers non-mixtes, a suscité l'ire du ministre de l'éducation nationale, le 21 novembre dernier. Le Front de mères, syndicat qui combat les discriminations dont sont victimes les parents et enfants des quartiers populaires, explique ici pourquoi il apporte son soutien à Sud éducation 93.

Dans son communiqué de presse datant du 21 novembre 2017, le Ministre de l'Éducation  nationale a affirmé que « l'École et les professeurs sont en première ligne pour lutter contre toutes les discriminations et enseigner le respect d'autrui… Elle est le lieu de la promotion sociale où les enfants prennent conscience que la France est une communauté de destin. ».

Hélas, la réalité que nous, parents habitant les quartiers populaires, vivons au quotidien, contredit totalement les propos du Ministre. Car jour après jour, nos enfants et nous-mêmes faisons l’expérience des discriminations et du racisme au sein de l’école.

Dans les quartiers populaires, nos enfants fréquentent des écoles sous-dotées et parfois même délabrées, avec des taux très élevés de professeurs absents et non remplacés ainsi que de professeurs mal formés. Dans les collèges et les lycées, nos enfants sont stigmatisés et trop souvent humiliés, voire harcelés, au nom de la lutte contre la « radicalisation ».

Alors que nous souhaitons une école égalitaire, bienveillante et ouverte au monde, celle-ci se montre fermée et intolérante à la diversité culturelle. De la maternelle à la terminale, nos enfants n’ont jamais de repères culturels avec lesquels ils puissent s’identifier de manière positive. Et quand ils y entendent parler des pays d’origine de leurs parents ou de leurs grands-parents, c’est souvent de manière caricaturale ou dénigrante. Sous couvert de leur apprendre à s’exprimer correctement en français, nos enfants sentent le mépris de leurs langues maternelles, des coutumes de leurs familles et de leur religion quand il s’agit de l’Islam. Alors que nos enfants fournissent des efforts considérables pour s’épanouir à l’école, celle-ci restreint leur « champ des possibles » et les oriente très majoritairement vers les filières professionnelles. Alors que nous voulons mieux comprendre le système scolaire pour mieux accompagner non enfants, l’école nous ferme trop souvent la porte, quand elle ne nous infantilise pas.

Comment dans ces conditions, nos enfants peuvent-ils s’épanouir et réussir dans une école qui leur fait sentir la honte de soi et de leurs parents ?

Comme le souligne Fabrice Dhume, chercheur à l'Université Paris-Diderot, de nombreuses études sociologiques menées depuis les années 1970, montrent que les inégalités raciales, de genre et de classe « opèrent dans quasiment toutes les dimensions du système scolaire ». Ainsi par exemple, les sociologues Georges Felouzis, Françoise Liot et Joelle Perroton ont mené en 2005 une enquête scientifique sur la ségrégation ethnique dans les collèges, et ils ont parlé « d'apartheid scolaire ». Toujours dans ce sens, l’Observatoire des inégalités publie régulièrement des données statistiques qui confirment nos expériences et nos analyses.

Nous ne pouvons accepter le déni quant aux discriminations structurelles que nos enfants subissent à l'école. Car dénier, c'est vouloir empêcher la prise de conscience collective et le débat démocratique, et surtout empêcher que les choses changent.

Or il est question ici de nos enfants.

Nos enfants que nous aimons.

Nos enfants dont nous avons l'entière responsabilité. Entière.

Voilà pourquoi nous nous organisons en tant que parents des quartiers populaires, collectivement, et politiquement : pour voir nos enfants grandir heureux, confiants, ambitieux, et respectés dans leur dignité, dans une société plus juste et égalitaire.

Le rapport de forces politique qui se joue aujourd'hui est clair. Il oppose ceux qui luttent contre le système discriminatoire et ceux qui veulent le maintenir.

Nous nous inscrivons dans ce rapport de forces, et notre camp est celui de la lutte contre le système discriminatoire, et pour l'égalité.

Nous avons des partenaires et des alliés dans cette lutte, des enseignant-es, des animateurs-trices, des éducateurs-trices, des élu-es, des acteurs institutionnels, des universitaires, des artistes, des militant-es, des journalistes, tou-te-s celles et ceux qui n'acceptent pas l'école telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, qui veulent échanger, se former et agir, pour changer le système.

Nous avions déjà entamé un travail en réseau partenarial dans ce sens lors des « États généraux des Familles », organisés par le Front de mères le 24 mai 2017, et qui ont été un véritable succès. Parents, enseignants et autres acteurs de l'éducation ont travaillé ensemble dans le cadre d'ateliers pour réfléchir à des solutions concrètes et locales aux problèmes de discriminations.

Nous avons établi à ce moment-là six problématiques principales sur lesquelles nous travaillons depuis lors, notamment avec des enseignant-es : la réussite scolaire, l'orientation au collège, l'alternative végétarienne à la cantine, la place des parents dans l'école, la transmission des luttes de l'immigration, les représentations positives et inspirantes dans les supports jeunesse, la transmission des langues de l'immigration.

Voir le court résumé en vidéo de ces États généraux réalisé par Just See Real : États Généraux du Front de mères - mai 2017

Nous travaillons aujourd'hui à de nouvelles journées de travail prévues pour début 2018, avec la même ligne : être un syndicat de parents positif et constructif, soucieux de la bienveillance à l'égard des enfants, et qui travaille à être force de proposition sur toutes les questions qui concernent l'éducation des enfants.

Dans cette perspective, il est évident que nous apportons notre soutien total aux enseignant-es de Sud Éducation 93 et à leur stage de formation antiraciste prévu en décembre 2017 (voir le programme du stage ndlr), car nous partageons le même objectif : la lutte pour l'égalité.

Car ensemble, parents et enseignants, en nous appuyant les uns sur les autres, et dans l'intérêt premier des enfants, nous arriverons à faire que l'école soit plus juste et plus égalitaire.

Front de mères

Contact : front2meres@gmail.com