Du maintien de l'ordre aux multinationales : passage de plats chez les grands hommes

- Bernard Hagelsteen est préfet de Loire-Atlantique de 2007 à 2009. En 2008, c'est lui qui publie la déclaration d'utilité publique du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projet de la multinationale Vinci. Il est par ailleurs responsable de l'enquête coût-bénéfice sur le projet, dont l'État aurait manipulé les chiffres pour la rendre positive, selon les déclarations du sénateur Ronan Dantec, ancien adjoint au maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, qu quotidien Le Monde :  "Lors de l'enquête coût-bénéfice sur le projet, l'Etat a manipulé les chiffres. Au moment de calculer la valorisation en euros des gains de temps permis par le nouvel aéroport, les sommes ont été au moins doublées. Sans cela, l'enquête coût-bénéfice aurait été négative. Cela a été fait sous la responsabilité du préfet de l'époque, Bernard Hagelsteen, aujourd'hui conseiller chez Vinci… Cela contribue à l'extrême fragilité de la légitimité démocratique de ce projet."

On trouvera donc pour le moins bizarre (ou alors trop logique, choisissez) que l'ancien préfet Bernard Hagelsteen soit ensuite recruté en 2011 par Autoroutes du Sud de la France, puis par Vinci Autoroutes en tant que responsable des péages des Autoroutes du Sud de la France, et conseiller auprès de Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, qui appartiennent toutes les deux au groupe Vinci, qui a reçu la concession de cet aéroport pour cinquante ans. Certains (nous par exemple) pourraient s'inquiéter de la soudaineté d'un tel coup de foudre de Vinci pour l'ordre préfectoral, et douter de sa sincérité ou de son désintéressement, mais il apparaît que nous avons tort puisque la commission de déontologie placée auprès du Premier Ministre (« chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions. ») n'y a rien trouvé à redire. Et ils savent tout mieux que nous. 

- Denis Favier est un général d'armée, directeur de la gendarmerie nationale de 2013 à 2016. C'est lui qui est aux commandes lors du drame de Sivens. Au lendemain de la mort de Rémi Fraisse, en 2014, Denis Favier choisit d'apporter un soutien total à ses hommes dans les médias. Denis Favier prend sa retraite de la gendarmerie. Il travaille a présent pour la multinationale du pétrole Total, où il s'occupera (naturellement) de la sécurité. Lors de sa cérémonie de départ aux Invalides, Manuel Valls lui fait l'honneur, inédit pour un premier ministre, de venir en personne saluer "un grand serviteur de l’Etat, un grand militaire, un héros. " Il est vrai que Denis Favier avait été nommé le 21 mai 2012 conseiller gendarmerie au cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, qui s'appelait justement... Manuel Valls. La mort de Rémi Fraisse n'aura vraiment empêché personne de dormir dans ce "gouvernement de gauche". 

Le général  Denis Favier lors de sa cérémonie de départ dans la cour des Invalides à Paris le 30 août 2016. BERTRAND GUAY / AFP

Le général  Denis Favier lors de sa cérémonie de départ dans la cour des Invalides à Paris le 30 août 2016. BERTRAND GUAY / AFP

Plus personne ne s'en cache : les plus hautes fonctions républicaines du maintien de l'ordre sont intimement liées aux grandes entreprises privées qui saccagent la planète. Ne jamais oublier, alors que le gouvernement prévoit d'envoyer des milliers de policiers expulser la ZAD de Notre-Dame-des-Landes au profit de Vinci. Apparemment, tout le monde dans les hautes sphères semble trouver cela normal. C'est quand plus personne ne s'inquiétera qu'une poignée d'individus dirige ce pays sous la droite comme sous la gauche en se repassant les plats qu'il faudra vraiment s'inquiéter. Heureusement, nous, nous sommes inquiets. Et pas seulement quand Jose Manuel Barroso, l'ancien président de la Commission Européenne, s'en va conseiller la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, sur les conseils très lucratifs de qui, rappelons-le en passant, la Grèce a maquillé ses comptes déficitaires en sortant 2,8 milliards d'euros de dette de ses comptes officiels de 2002 ("S'ils ne sont pas responsables de la gestion chaotique des finances publiques grecques, ils n'ont eu aucun état d'âme à accélérer et à profiter de la faillite du pays", dixit Le Figaro Économie - on nous croira donc peut-être). 

Où est la morale là-dedans ? Quand on est juge et partie ? 

La Rédaction