L’Autre Quotidien face à l’avenir

The Little Rascals.

Nous avions imaginé que dans des temps comme les nôtres, qui voient simultanément l'apparition de nouvelles revendications, et la montée d'une contre-révolution autoritaire, le projet de créer un quotidien d'information radicalement différent de la presse institutionnelle (et même, oui, de Médiapart ;-) pouvait réunir des milliers de gens. Nous le pensons encore. Un tel quotidien manque évidemment. Mais l'expérience de ces deux premières années nous a appris à réaliser que nous n'y arriverions pas tout seuls. Beaucoup trop petits, sans les moyens de nos ambitions, pas assez clairs dans nos objectifs, nous n'avons jamais réussi à percer et peser. C'est juste un fait. Autant le reconnaître franchement. Et chercher comment, sans moyens supplémentaires, car nous en sommes plus démunis que jamais, en repensant ce que nous proposons aux lecteurs, nous pouvons mieux faire et jouer un rôle plus utile. C'est l'objet de cette nouvelle formule, qui repose sur trois grands changements :

  1. Le numéro du jour reste entièrement en accès libre. Complices avec tous ceux qui luttent pour un monde meilleur, nous devons leur donner le plus d’exposition possible. Ce qui suppose au jour le jour la gratuité. Nous allons vous proposer en revanche de devenir des asocios de L'Autre Quotidien (c'est un clin d'œil pas méchant au Média, qui s'est lancé avec derrière lui la force - et les faiblesses qui vont avec - de la France Insoumise, et s’en est émancipé avec bonheur depuis la rentrée) en prenant un abonnement de soutien qui vous donnera accès aux archives et aux numéros que vous auriez pu rater. A vous de voir si on le vaut. Et à nous de nous débrouiller pour faire un bon journal avec. Si vous êtes quelques milliers d'asocios à nous rejoindre, cela devrait être possible. Au-delà, nous pourrons embaucher, commander des reportages, des traductions, et là, tout changerait d'échelle.

  2. L'Autre Quotidien nouvelle formule sera toujours culturel, mais plus axé qu’avant sur l'actualité, la société et les débats d'idée. Et plus concentré : dix articles (ou onze, on n'a pas la religion des chiffres) par jour, ainsi que des brèves d'actualité. Nous irons à l’essentiel pour nous, qui n’est en effet pas souvent l’essentiel pour les autres. Tout journal finit par se reconnaître sur les priorités qu’il se donne. Ou se découvrir lui-même en elles : ce n’est pas du tout calculé, mais nous avons par exemple remarqué en feuilletant les numéros passés qu’il y a infiniment plus de femmes, de personnes racisées et de gens du peuple dans nos pages que dans celles des autres quotidiens d’information. Et nous en sommes très contents. Parce que c’est… normal. Un reflet de la vraie vie.

  3. L'Autre Quotidien donnera la parole aux autres. Dans la presse, les quotidiens ont toujours eu la particularité d'être par nature des places publiques, des lieux de rencontre où se croisent et s'imbriquent des articles a priori aussi dépareillés que nos intérêts successifs en une seule journée. Ce magnifique foutoir humain qui fait le quotidien est à l'instant hors de nos forces, et c'est sans doute tant mieux, tant est dangereuse la tentation de devenir une bureaucratie journalistique qui enferme la vie dans ses mots. Il faut donc s'en aller chercher ailleurs, accepter que le bout de son nez ne soit pas la fin du monde connu, et cesser de vouloir garder la main sur tout. Nous ne nous suffisons pas. Et pensons que l'époque où une seule source d'information suffirait à tout est révolue pour toujours. Nous vous proposerons donc chaque jour un choix d'articles de provenances diverses, mais tous royalement ignorés de Google Actualités et des revues de presse du matin. Ceux qui nous semblent dire le mieux le monde dans lequel nous vivons, ses dangers, sa beauté aussi, dans laquelle nous puisons la force d'aller contre sa folie.

    Christian Perrot