La Bardo Parade de Whitney Bedford

Réduire la Californie à deux dimensions pour lui redonner un autre volume et lui conférer des dimensions magiques agite le travail de Whitney Bedford. Ses thématiques sont régionales avec le désert et les forêts présentes. Mais elles en assurent une représentation plate, comme pas dupe de son pays qui semble avoir abandonné le recours à la magie des Indiens.

The Night Conductor Whitney Bedford Ink and oil on linen on panel, 28" H x 37" W, 2017

Le travail de Whitney Bedford est plein de contrastes et d’oppositions. Ses motifs réalisés à l’encre avec une extrême précision (en négatif photographique) se détachent de leur horizon uni, lisse et solaire, et deviennent des ombres inquiétantes; avec des titres qui le sont tout autant : Good do Bad (le bien entraine le mal), The Rattler (serpent à sonnette). La végétation crée une sorte de frontière infranchissable qui délimite à loisir : calme et chaos, serein versus inquiétant, beau ou sublime.
Ici, résumé en pièces toutes à l'huile et à l'encre sur bois

The Heart in the Dark Whitney Bedford Ink and oil on panel, 28" x 37″, 2016

Les paysages de Bedford puisent dans les écrits d’Edmund Burke et notamment sa Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau. Publié en 1757, ce traité d’esthétique théorise pour la première fois une analyse subjective et physiologique du goût, distinguant le beau, qui provoquerait un sentiment de joie et d’apaisement, du sublime qui au contraire serait source d’une émotion écrasante, proche de la terreur. Cet antagonisme imprègne toute l’œuvre de Whitney Bedford avec ses navires naufragés, ses icebergs mélancoliques ou ses feux d’artifices, tous oxymores visuels, soleils noirs mâtinés de romantisme.

California Sunday Whitney Bedford Ink and oil on panel, 36 x 48 in., 2017

Ses œuvres les plus récentes opèrent un glissement vers la représentation d’une réalité autre. Est-ce le bardo, état intermédiaire de la philosophie bouddhiste (qui a inspiré le titre de l’exposition) ? Ou bien une ouverture vers la « surréalité » ? Les forêts réalisées par Max Ernst entre 1927 et 1928 ne sont pas bien loin. Transposées presque un siècle plus tard à Los Angeles, les « forêts » ou jungles de Whitney Bedford ont quelque chose d’artificiel. Elles assument leur absence de volume, ne cherchent pas à faire illusion sur leur bi-dimensionnalité. Propres à des décors, ou des panneaux publicitaires se dressant au milieu de nulle part, elles affichent insolemment la part d’ombre du seul état qui ose résister à Donald Duck.

Friedrich Angel (avec galerie) le 2/03/17

 Whitney Bedford - Bardo Parade 
Galerie Art : Concept   13, rue des Arquebusiers 75003 Paris

Bardo Parade Whitney Bedford Ink and oil on panel, 28 x 37 in., 2017