Ils étaient à Drawing Now et on va en reparler

Si l'an passé nous y avions découvert Pierre Seinturier, cette année la pêche est tellement importante que nous vous proposons juste un survol que nous développerons au fil des jours à venir. 
 

Drawing Now est la première foire internationale d'art contemporain en Europe exclusivement dédiée au dessin. A cette occasion, le salon revient sur ce travail et offre deux petits bonus : une présentation d'artistes émergents (Now is our future), l'occasion de découvrir les choix personnels des membres du comité de sélection, et l'exposition Master Now, pour découvrir quelques dessins de grands artistes contemporains (Alechinsky, Baselitz, Lüpertz etc.). Au passage, un dessin de petit format de Jörg Immendorff   y coûtait la bagatelle de 7000 €…

Pierre Alechinsky : Tierce personne,1976-77. Encre sur papier, 213 cm x 91. Courtesy galerie Lelong.

Pierre Alechinsky : Tierce personne,1976-77. Encre sur papier, 213 cm x 91. Courtesy galerie Lelong.

Cette année, la galerie Bernard Krauss Fine Art, installée à Francfort, rappelle au visiteur qu'un dessin, c’est avant tout une ligne sensible dont on ignore souvent la fin. Cette œuvre de Karim Noureldin, né en 1967, le prouve. Ici, rien de démonstratif, tout est en retenue, comme une invitation à parcourir un chemin mental et à opérer quelques connexions.

Ma plus forte impression a été de tomber nez à nez avec les grands plexiglas d'Imi Knoebel exposés à la galerie Ropac avec Caroline Smulders. Fondateur du minimalisme allemand, dès le début de sa carrière en 1971, il se place dans la lignée de Malevitch. Chez Imi Knoebel, le trait est souverain, il refuse tout ce qui est accessoire. Et cherche, avec une forme pure, à déclencher une émotion authentique. Grande expo en juin. On y revient.
 

Imi Knoebel : Schwarze Acryglaszeichung No 10, 1991. laque acrylique, 206 cm x 149. Courtesy galerie Thaddaus Ropac / Caroline Smulders

Imi Knoebel : Schwarze Acryglaszeichung No 10, 1991. laque acrylique, 206 cm x 149. Courtesy galerie Thaddaus Ropac / Caroline Smulders

Du côté de la Galerie Particulière, un gros coup de cœur pour la série de dessins d'Ethan Murrow. Né en 1976 aux USA, Ethan Murrow joue sur plusieurs images avec une technique incroyable. L'observateur devient l'acteur et le témoin d'une grande théâtralisation de l'espace. Dans la partie inférieure, le mur au premier plan renforce l'idée d'un spectateur devenu un peu voyeur. 
 

Ethan Murrow : Commonplace, 2015. Graphite sur papier, 11,7 cm x 11,7. Ethan Murrow

Ethan Murrow : Commonplace, 2015. Graphite sur papier, 11,7 cm x 11,7. Ethan Murrow

A la galerie de la Ferronerie, les dessins de Frédéric Coché vont à l'encontre de la mode. Ils paraissent kitsch tellement ils apparaissent colorés et naïfs. Ce papier appelle les toiles de David Gaspard Friedrich. Il y a un petit côté bavarois dans l'œuvre de Coché qui peut surprendre, mais également une vraie maîtrise de la couleur et de la profondeur de champ. Coché aime bien opposer les belles couleurs acidulées à la gravité du sujet choisi. Que s'est-il passé au fond de cette cavité ?

Frédéric Coché : Néandertale. Crayons de couleur. Courtesy galerie de la Ferronerie / Brigitte Négrier

Frédéric Coché : Néandertale. Crayons de couleur. Courtesy galerie de la Ferronerie / Brigitte Négrier

Autre coup de cœur,  le travail d'Agathe Pitié chez Soskine INC, galerie américano-espagnole. Avec ses dessins toujours chargés comme une enluminure ou un chapiteau médiéval., l'artiste mêle mythologie antique et culture contemporaine populaire. Elle y crée un monde imaginaire à regarder à la loupe. Observez plutôt.

Agathe Pitié : Combardus Mortuis-The Deer Hunter, 2015. Encre de Chine sur papier de cannabis, 24 cm x 32. Agathe Pitié.

Agathe Pitié : Combardus Mortuis-The Deer Hunter, 2015. Encre de Chine sur papier de cannabis, 24 cm x 32. Agathe Pitié.

Chez les naïfs, on devait trouver ceci avec la galerie Christian Berst bien connue des amateurs d'art brut. Elle expose ce dessin sur radio médicale, de l'artiste Eric Bennetto, né en 1972.; un travail assez surprenant.

Eric Bennetto sans titre

Eric Bennetto sans titre

Et puis, on apprend que c'est Jochen Gerner qui a remporté le prix 2016 Drawing Now avec ces petits oiseaux, très poétiques. Diplômé des Beaux Arts de Nancy, il détourne les codes visuels en réalisant de nombreux dessins de presse (Libération, le Monde, les Inrockuptibles, Télérama etc.). Je regarde une belle série de dessins, un oiseau par ci, un oiseau par là : charmant. Mais j'ai l'impression que ces bestioles, ne sont jamais là où elles devraient être. Ce sont des oiseaux-objets sans patte. Sont-ils encore symboles de liberté ?

Jochen Gerner : Ornithologie 5, 2015. Encre de Chine sur support imprimé, 17,7 cm x 13,8. Courtesy galerie Anne Barrault.

Jochen Gerner : Ornithologie 5, 2015. Encre de Chine sur support imprimé, 17,7 cm x 13,8. Courtesy galerie Anne Barrault.

Avec ce petit survol, nous ne faisons qu'effleurer un sujet qui va rebondir au fil des mois à venir à la découverte de la quinzaine d'autres artistes qui nous ont secoué. Cette dixième édition du salon a fait la part belle à trois critères : l'importance accordée à la technique, la multiplication des médiums utilisés et l'omniprésence d'une espèce de malaise. Du haut de ses dix ans, Drawing Now a réussi à prouver aux collectionneurs, aux médias et au public, que le dessin est tout sauf un art mineur. Quand Bazooka envahissait les colonnes du Libé des 70's ; c'était loin d'être gagné sur le front graphique.

Dessin d'ouverture du sujet : Imi Knoebel, Ohne Titel, 1972. Graphite sur papier, 29,7 x 21 cm / encadré 38,7 x 30 cm