Grèce : l'Institut national du travail dresse un tableau sombre de l'économie du pays

Après une cure d'austérité sans précédent pour un pays européen, la Grèce a dégagé en 2016 un excédent budgétaire inattendu et voit la croissance repartir. Pourtant, le pays n'est toujours pas sorti des abysses où l'ont plongé les saignées exigées par la troïka.

Le rapport de l'Institut du travail du syndicat du secteur privé GSEE (INE)* dresse un tableau sombre de l'économie grecque - malgré le discours du gouvernement qui vante les perspectives positives. « L'économie grecque peut espérer une embellie »,  a déclaré l'un des directeurs de l'INE lors de la présentation du rapport. « Toutefois, les indices et données chiffrées ne permettent pas d'espérer une reprise économique durable ».

Le directeur scientifique de l’INE a mis en doute les affirmations optimistes du gouvernement pour 2018, qui compte sur une croissance à 2,8%, parlant « d'illusions et d'appréciations négligeables ».

Sur la même longueur d'onde, le Président du syndicat GSEE, G. Panagopoulos, a souligné que « l'économie reste à son point le plus bas depuis 2013 » et qu'il n'y a « aucun élément permettant de croire à l'émergence d'une dynamique réelle ». 

La politique de dévaluation interne ne peut pas créer des conditions durables d'amélioration et « les excédents primaires existants ne sont ni viables ni soutenables à long terme », a-t-il ajouté.

Principales conclusions du rapport de l'INE-GSEE :

1. L'économie grecque est à un tournant. Pour la deuxième fois depuis 2014, elle est à la recherche d'un moyen de sortir d'une stabilisation fragile à son faible niveau d'activité après la grande récession de 2010-2013.

2. Il n'y a pas de transformations macro-économiques et productives qui créeraient des conditions nécessaires pour une transition de l'économie vers une reprise dynamique et durable.

3. Les investissements se sont stabilisés à un niveau inférieur de 63% à celui du premier trimestre de 2008, montrant l'énorme écart d'investissement dans l'économie. On estime que - sur la base du taux de croissance moyen des investissements en 2016 - le volume des investissements atteindra le niveau du premier trimestre de 2008 au premier trimestre de 2033.

4. La consommation s'est stabilisée à un niveau inférieur, soit de 24 points de pourcentage, par rapport au premier trimestre de 2008. Son niveau ne sera pas durable compte tenu des mesures d'austérité à venir et s'il n'y a pas de choc important en matière d'emploi et de revenu.

5. Le volume des exportations en termes réels est loin d'être un levier de croissance clé dans l'économie.

6. Il y a des taux élevés de sous-emploi, qui ont presque triplé au cours de la crise (de 99.000 salariés en 2008 à 267000 en 2017) et de chômeurs découragés de rechercher un emploi, dont le nombre a aussi plus que triplé (de 37000 à 109 000) pour la période correspondante.

7. L'augmentation significative des emplois incertains affecte la variation des salaires,alors que le salaire moyen des employés à temps partiel était de 397,67 euros en 2016. Cette évolution a de graves effets macroéconomiques , car elle agit essentiellement comme un mécanisme d'austérité caché.

8. En outre, selon les chiffres d'Eurostat sur le revenu et les conditions de vie pour 2015, 34,7% des salariés à temps plein et 42,13% des salariés à temps partiel perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum . Le fait qu'un nombre croissant de salariés se situent aux environs et en dessous du seuil de pauvreté est un indicateur de la situation fragile que connaît la société grecque.

Selon ELSTAT, l'autorité statistique grecque, le chômage officiel atteignait 21,2% en juin 2017. La baisse du taux de chômage à la fin du printemps et de l'été est en grande partie due à l'emploi dans le secteur du tourisme et au travail saisonnier dans l'agriculture.  De nombreux emplois sont financés par l’État et par l’UE, ce qui a pour effet que les chômeurs ont un emploi de 8 mois maximum et un salaire qui stagne au niveau du salaire minimum. Ensuite, ils sont renvoyés au chômage et au désespoir.

En ce sens, le chômage réel pourrait être beaucoup plus élevé.

Les fonctionnaires continuent de percevoir un salaire supérieur à celui des salariés du privé.

L'Austérité marche...

Article publié par Keep talking Greece et traduit par Constant Kamaïkis

*L'institut de recherche INE" est lié aux syndicats grecs, le la GSEE (Geniki Synomospondia Ergaton Ellados, Confédération générale du travail de Grèce), qui regroupe les travailleurs du secteur privé et l’ADEDY (Anotati Diikisis Enoseon Dimosion Ypallilon, Confédération des syndicats des fonctionnaires publics), qui représente uniquement les fonctionnaires.

Le site Keep talking Greece propose des information en anglais sur l'économie, la politique et la société grecs. Il a été créé en 2010 pour proposer à un lectorat international l'analyse des divers aspects de la crise de la dette du point de vue des Grecs.