Short-cuts (52), par Nina Rendulic


semaine du 16 / 1 / 17

"The job of the writer is to make us see the world as it is, full of many different claims and parts and experiences."

(Susan Sontag)


Je anonymes,

Ce que j’aime, ce que j’aime vraiment, ce sont les mots. Je préfère les mots aux syntagmes. Aux phrases. Au texte. Je préfère les mots libres et sans contraintes, les mots aléatoires et incertains, les mots qui appellent d’autres mots, et qui disent, lorsqu’ils sont ensemble, ce qu’ils doivent dire. Ce qu’ils veulent dire. Et je les laisse faire. Je n’ai pas de programme. Mes mots ne parlent pas des idées. Mes mots ne critiquent pas le monde. Est-ce leur faiblesse ? Avons-nous vraiment besoin de l’art pour l’art ? Je refuse de croire que tout art se doit d’être engagé (Or le rejet de la catégorisation n’est-il qu’une forme d’engagement… ?) et que tout texte a besoin d’être politique. Je sais écrire autrement. Emmêler les mots autour des hypothèses, les situer par rapport à des théories, rédiger des textes sérieux et former des phrases complexes : je suis chercheuse, linguiste (un destin tragique, une insertion professionnelle impossible). Je sais mais je ne veux pas écrire autrement. Car derrière mes textes déstructurés et écrits en langue étrangère grouillent les images parfaites d’un inconscient heureux. Le désengagement critique en faveur du beau. Cela me suffit. Cela vous suffit-il ?

Cinquante-deux semaines. Cinquante-deux Short-cuts. Il est temps pour la clôture des mots. Un cercle complet. Voici ce que j’ai appris :

 

L’écriture se nourrit d’un excès d’émotions.

On n’écrit jamais à personne.

Le choix de la langue n’est pas anodin : certaines images sont intraduisibles.

D’abord, il faut observer. Puis, épuiser.

Les mots silencieux régulent des mouvements impulsifs.

 

Et à la fin des mots, que manque-t-il pour qu’on soit heureux ?

A suivre…

Nina Rendulic