Zanele Muholi : mission auto-portrait

Quand l'auto-proclamée activiste visuelle sud africaine Zanele Muholi s'interroge sur la notion d'auto-portrait, cela l'emmène un peu plus loin que la majorité des gens qui le pratiquent. Décorticage sans pareil. Ne ratez pas la première grande exposition rétrospective de son travail en France à la Maison Européenne de la Photographie, Paris, jusqu’au 21.05.2023

Ntozakhe II, Parktown 2016 Silver Gelatin Print. © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York

La sud-africaine a gagné une reconnaissance internationale avec sa série Faces and Phases, sur les gay, trans et lesbiennes de son entourage, en les accompagnant de son travail entre 2006 et 2016. Elle a connu pis que pendre sur place, étant la cible des mêmes attaques et vexations que les gens de son milieu. Mais rien ni personne n'a su la faire dévier de sa route, sa décision restant de documenter, pour l'histoire, les us et coutumes de sa communauté pour lui donner une vraie visibilité. 

Kwanele, Parktown 2016 © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York

Depuis quelque temps, pourtant, elle s'est de plus en plus intéressée à l'auto-portrait avec “Miss (Black) Lesbian” et “Massa and Minah”. Sa dernière série, Brave Beauties, interroge le spectateur sur ses impressions et attentes devant des poses interrogatives et conscientes d'elles-mêmes qui reflètent genre et place occupée dans celui-ci. Au fur et à mesure de ses différents déguisements et accessoires exhibés, Muholi se glisse dans la peau de ses personnages et en fait ressortir la profondeur des émotions - autant pour elle que le spectateur.

MaID in Harlem, African Market, 116 St 2015 © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York

En regardant cette image ci dessous on aperçoit d'abord des vêtements comme une parure avec ses accessoires. Mais, en y regardant de plus près, on voit alors comment cela sert le propos, car il s'agit en fait pour la couronnede pinces à linge et pour le châle d'un simple paillasson. Manière comme une autre de décevoir l'attente proposée et d'aiguiller le spectateur vers tout autre chose - la réflexion, le faux semblant, etc.

Bester I, Mayotte, 2015. © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York

Cet auto-portrait est en hommage à ma défunte mère morte en 2009. Elle a travaillé comme femme de ménage pendant 42 ans et n'a même pas pu profiter de sa retraite, car elle a du arrêter de travailler pour maladie et n'a jamais connu le calme dans sa maison avec ses proches.

Cette photo est aussi dédiée à tous les domestiques du monde entier qui s'épuisent pour leur familles malgré des conditions de travail leur permettant à peine de joindre les deux bouts.

En composant cette image, je me suis posée la question des divers emplois possibles du matériel employé pour travailler habituellement. Les pinces à linge introduisent une autre lecture et balancent le cliché dans une autre optique, celle de la mode, comme pour le paillasson rayé. De la sorte, les pinces à linge peuvent être lues comme de l'art utilitaire, de même que le paillasson employé comme châle, bien qu'en ce cas il l'a été pour une autre signification.

Bekhani Mayotte 2016 Silver GElatin Print © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York

Ce que les gens appellent des accessoires, moi je les renomme matériaux. Ainsi, le spectateur est obligé de de se poser la question de leur utilité et de leur emploi dans l'histoire. C'est la raison pour laquelle je regarde l'objectif frontalement pour introduire une notion de questionnement ou d'opposition en fonction des différentes façons de regarder l'image. (Zanele Muholi, Mars 2017)

Jean-Pierre Simard (avec Lens Culture)
Ne ratez pas la première grande exposition rétrospective de son travail en France à la Maison Européenne de la Photographie, Paris, jusqu’au 21.05.2023

Plus sur son travail, ici

Bhekezakhe Parktown 2016 Silver Gelatin Print © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York