Interview de Maxime Garbarini pour Close Call Comics

«On a la chance, avec l’auto-édition, d’avoir un soutien direct du public qui nous permet de faire vivre des trucs». Autour d’HEROICS, la série originelle, vont s’agréger 3 mini séries qui seront suivies d’autres au rythme de 3 recueils par an à partir de juin 2024 avec des artistes de tous horizons.

Après un premier webcomics qui a posé les bases de son univers, Maxime Garbarini a agrégé autour de son projet plusieurs artistes pour en faire un véritable univers partagé. Il accélère la cadence ces derniers mois avec une campagne de financement réussie et une sortie prochaine de Fragments : une publication régulière pour découvrir plusieurs séries.

On vous propose d’en savoir plus à quelques mois de la sortie avec son fondateur qui ne manque pas d’idées. 

Peux-tu nous donner un aperçu de ton parcours avant le lancement de Close Call Comics ?

Maxime Garbarini : Je suis avant tout un lecteur, j’ai commencé à lire des comics il y’a 40 ans maintenant, j’avais 8 ans. J’ai toujours voulu en faire et finalement j’ai commencé des études de communication, qui m’ont apporté pas mal de choses, mais petit à petit j’y suis revenu. J’ai fait un webcomic, je sortais une page par semaine, avec déjà le nom Close Comics : à l’époque, c’était le nom du site. 

Et ensuite, via NorthStar Comics, un label associatif que j’avais rencontré dans des festivals et des salons, j’ai pu faire un album de ce webcomic que j’ai rallongé, parce qu’il n’y avait pas assez de pages. 

Finalement, j’ai décidé de sortir de cette asso pour créer ma propre asso avec l’idée de fonder une sorte de « mini Marvel » : un label associatif, où chaque histoire se passerait dans le même univers, quels que soient les artistes. Comme ça, on a une sorte de cohérence et d’unicité. Et, en même temps, aller chercher des artistes ou des types d’histoires dans des genres différents pour pouvoir avoir une offre assez diverse. 

Mon parcours grosso modo c’est ça, sinon je suis autodidacte. J’ai pris quelques cours de dessin vite fait, à droite, à gauche, mais c’est plutôt les comics et les dessins animés qui m’ont appris à dessiner.

T’as commencé à l’aborder, mais dans le nouveau projet tu agrèges de nouveaux dessinateurices. Est-ce que c’est elleux qui te proposent des pistes ou c’est plutôt toi ?

M.G. : Alors, pour l’instant, pour la première année, c’est l’inverse qui s’est passé. Après avoir fait le premier album d’HEROICS, j’avais déjà beaucoup d’autres histoires sous forme de pitchs qui me tenaient à cœur, mais que je n’allais pas pouvoir dessiner moi-même : parce que je n’ai pas le temps, et je voulais que toutes ces histoires puissent progresser un peu en parallèle. 

J’ai eu la chance de pouvoir côtoyer Sebba qui était publié aussi chez NorthStar. Donc, je lui ai tout de suite parlé de mon personnage, qui était un ouvrier nord-américain un peu taciturne. Ça lui a beaucoup plu, il était emballé donc j’ai développé l’histoire pour lui.

Puis je suis allé sur ArtStation, où j’ai découvert le travail de Lucia Saldutti et de Sebastian Carrillo Cortez. Je leur ai pitché l’histoire en leur demandant si ça les intéressait et à partir du moment où ils étaient emballés, on a pu discuter autour de leurs influences et leurs références pour que, dans l’histoire, j’arrive à retranscrire des choses qui leur plaisaient.

Mon but, c’était de leur proposer un scénario sur lequel ils peuvent s’éclater et où ils vont vraiment expérimenter, aller vers ce vers quoi ils ont envie d’aller et pas juste vers ce que moi je leur impose. Tout ça en faisant en sorte que les histoires se lient les unes avec les autres. On a du transversal, comme on a de la cohérence, série par série. 

Tu veilles à garder une cohérence ?

M.G. : Oui, je suis obligé. Comme je suis le seul à écrire, si ce n’est pas cohérent je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même. 

On a avec la série Whisper, une sorte de thriller un peu social. Avec Blood Rose, on est plus sur une histoire qui commence comme une romance hollywoodienne des années 50, un peu fleur bleue et qui part en mode Kill Bill. Et Dreambrother aborde plus une réflexion sur le deuil : on sera sur une enquête policière un peu psychédélique avec un personnage qui a un pouvoir de médium.


Tu parlais de trucs joyeux, mais tu es parti de la Seconde Guerre mondiale ?

M.G. : C’est marrant que tu me poses la question, parce que j’étais en train de dessiner des personnages que j’ai inventés il y a très longtemps et qui étaient presque à l’origine de tous mes projets. C’est des personnages — que j’ai appelé les Partisans — qui évoluent dans une histoire qui se passe de nos jours et, j’ai eu envie de me demander d’où venaient leurs pouvoirs et ce qui s’était passé avant cette période. 

Ce ne sont pas forcément des thèmes qui sont très joyeux —pourtant je pense que je suis quelqu’un d’assez joyeux— mais j’aime bien chercher des choses qui font l’humain en fait. Et HEROICS continue à être une sorte de saga action, aventure, super-héros et drame familial en même temps. J’ai mixé plein de trucs tout en essayant de faire en sorte que, même si ça se complète, ce ne soit pas un ADN vraiment identique d’une série à l’autre.

Finalement je me suis dit que tant qu’à raconter tout un univers et à se prendre un peu pour le « Créateur » de cet univers, autant démarrer à l’origine. Donc j’ai décidé de raconter l’origine des pouvoirs et l’origine des personnages.

Et pourquoi la Seconde Guerre mondiale ? Je dirai que c’est une période, en soi, qui ne me parlait pas plus que ça, mais finalement, et c’est terrible à dire, mais il y a beaucoup de parallèles entre cette période et la période qu’on vit actuellement : conflits, nationalisme… Donc cette période de crise est assez intéressante à explorer pour y faire évoluer des personnages avec des pouvoirs qui traversent des crises identitaires en même temps. Je trouve que c’est un mix assez intéressant et original. Sans vouloir que ce soit original à tout prix, ça change un petit peu, même s’il y a eu La Brigade chimérique qui situait ses personnages à cette période, il me semble. On n’est pas tout à fait sur le même registre dans HEROICS, mais c’est un travail que je respecte beaucoup.

Puisqu’on parle de ça, quelles sont tes influences ?

M.G. : Mes grosses influences c’est les comics Marvel et DC des années 80 avec lesquels j’ai commencé et qui sont restés des influences aujourd’hui. J’étais fan des X-men, de La Légion des super-héros, des Teen Titans… C’est toujours ce genre de série qui, aujourd’hui, m’intrigue et m’inspire, car elles mettent en scène plein de personnages différents. 

J’ai plus de mal avec les personnages solos, je ne sais pas pourquoi. Mais je dirais que c’est ce genre de récit que j’ai apprécié et que j’apprécie encore qui sont devenus mes influences. C’est le côté soap-opéras, notamment dans les X-men, mêlé à l’action et à un commentaire presque sociopolitique sur l’état du monde qui m’intéresse particulièrement. Cet aspect-là des comics est hyper intéressant et ça a beau être des super-héros, ils ont beau avoir des pouvoirs et des costumes improbables, tu peux aborder plein de réflexions, plein de choses sur des sujets de société sans que ça devienne prêchi-prêcha. C’est un bon mélange je trouve et il y a plusieurs niveaux de lecture, enfin on essaye ! 

Et au niveau technique, tu travailles plutôt en traditionnel ou en numérique ? 

M.G. : Ça a changé entre-temps. Le premier album, les pages étaient dessinées et encrées en tradi. Je faisais la couleur et le texte en numérique. Pour être un peu plus rapide, parce que cleaner les planches tradi, ça me prenait beaucoup de temps, j’ai décidé de faire mes story-boards en tradi et de faire tout le reste en digital, en numérique. Et j’ai bien fait, parce que mon scanner m’a lâché à ce moment-là. 

Maintenant, je travaille directement sur cintiq et j’apprivoise encore l’outil. Ça me permet de faire beaucoup de choses que je n’arriverai pas à faire en tradi, mais du coup, je perds beaucoup de temps à expérimenter. Mais j’adore. Enfin, honnêtement, c’est très pratique.

Pour Heroics, quelle sera la fréquence de parution ? 

M.G. : Alors, au tout début, j’avais envisagé d’en sortir 3 par an, ça me paraissait être le plus logique. Puis, de façon pratique et logistique, je me suis dit que ça allait être compliqué pour tout le monde, de sortir l’équivalent de 96 pages par an. Pour moi, c’est 150, parce que mes épisodes sont plus longs. Donc, à mon avis, ce sera 1 an et demi de vraies prods pour les trois numéros. L’idée c’est que HEROICS va rester la série pilote.

Mais dans Fragments, les trois mini-séries seront remplacées après trois épisodes par d’autres mini-séries. L’exclu du salon c’est qu’avec Alice, on bosse sur une série ensemble qui se déroule dans le même univers, mais sur un autre personnage qui arrivera dans la saison deux.

Tu vas les nommer comme ça ? 

M.G. :  Je ne sais pas, j’hésite encore, parce que comme j’ai fait la bêtise de dire que HEROICS c’était la saison 1. Ça veut dire que dans Fragments il y aura la saison 2 de HEROICS, mais finalement, ce sera quand même la saison 1 de Fragments

Je me suis un peu tiré une balle dans le pied pour le coup, mais je trouverai un truc. Sinon oui, l’idée, c’est que ça fonctionne par saison et qu’au bout de 3 numéros de Fragments il y ait une histoire complète pour chaque série et qu’on puisse repartir sur d’autres personnages pour la suite. Avec des concepts qui peuvent être vachement bien, et je ne dis pas ça pour me jeter des fleurs, mais y a des histoires que j’ai hâte de bosser, parce que je sens que, potentiellement, ça peut être vraiment fun. C’est un gros projet avec beaucoup d’ambition et je n’ai pas envie que ça reste à l’état de projet dont c’est cool de faire des salons et de montrer aussi, via les planches en cours, que ça avance ! Je me dis que tant qu’à faire un truc qui me plait, autant y aller franco quoi. 

On a la chance, avec l’auto-édition maintenant, d’avoir un soutien direct du public qui nous permet de faire vivre des trucs de petite échelle, très personnels et qui n’auraient peut-être pas vu le jour de la même façon chez un éditeur qui a des logiques commerciales. 

Tu sens que t’as davantage de liberté ? 

M.G. : Oui et puis je fais pas que ça. On a tous un métier quasiment à côté. Et ce rythme aussi fait qu’il faut qu’on puisse produire dans les bonnes conditions, mais, à notre rythme aussi.

Comment les lecteurices peuvent te trouver, comment ils peuvent s’abonner ? 

M.G. : Alors qu’est-ce qui me va le mieux  ? Je pense, pour l’instant, que c’est via Instagram. Le compte c’est : closecallcomicsclub. C’est le nom de l’asso qu’on a créé autour du label. 

Sinon il y a mon instagram perso, mais c’est vrai que je poste un peu moins de dessin parce que je fais mes planches, donc j’ai plus le temps de dessiner autre chose. Ensuite, une fois qu’on aura rendu le numéro à l’imprimeur, là, je me mets à fond pour bosser sur le site. 

Il y aura un site internet avec des fiches de personnages, une boutique en ligne pour commander. Sinon, on a aussi un compte Twitter, qui est géré par Alexandra. On a pas mal utilisé Tik Tok pendant la campagne pour démarrer. Et c’est déjà pas mal, je pense ! 

Quelle est la date de sortie du premier Fragments ? 

M.G. : La date était programmée en décembre, mais compte tenu des différentes situations des artistes, on a dû décaler certaines choses. Je pense qu’on vise plutôt fin juin. C’est dommage parce que ça aurait été super pour le PARIS FAN FESTIVAL, où nous aurons un stand, mais l’essentiel est de proposer un bel album, et que chacun·e puisse le produire dans les meilleures conditions. 

Si vous êtes en région parisienne les 27 & 28 avril prochains, vous pourrez rencontrer Maxime à son stand, ce sera l’occasion d’en savoir plus sur le projet qui sort, de découvrir des planches et de s’offrir des sketchs, sinon rendez-vous en juin pour découvrir le premier numéro.

Thomas Mourier, le 10/04/2024
Interview de Maxime Garbarini pour Close Call Comics

Tous les visuels sont ©Sébastien Barré / Maxime Garbarini / Lucia Saldutti / Sebastian Carrillo Cortez / Close Call Comics

-> Les liens renvoient sur le site Bubble où vous pourrez vous procurer les ouvrages évoqués.