ReBis : Sans motif apparent (mais pas que…)

N’imaginez rien, écoutez plutôt : le son du saxo passé dans une table de mixage et ses filtres divers qui renvoie le son travaillé en direct et lui donne un autre rendu. Les deux compères ici joueurs : Fred Wallich aux saxos et Pierre Audoynaud à l’électro-acoustique se lancent ici dans des combinaisons impromptues, comme autant de combinatoires improbables pour déjouer les attentes et créer l’entente en mode re-direct live qui avancent à la déroute auditive de l’auditeur.

Le fan de jazz habitué à entendre Wallich va chercher un début de fil, une idée qui se structure en mode connu - quand justement l’idée est de défricher ailleurs. Jouer/rejouer/filtrer/entendre et regarder comment cela se déjoue à chaque fois qu’un motif s’installe pour mieux progresser.

Musique organique - ta mer - qui cherche l’espace du jeu, en quête d’écarts et de sinuosités peu connues.
De celles qu’on trouve dans le contemporain, mais plus rarement dans le jazz improvisé, et dont les codes semblent ici oubliés.

Tabula rasa - demain on rase gratis - de ces deux constantes du son envoyé/ retravaillé et renvoyé surgissent de nouvelles géographies auditives, de celles , basées sur autre chose que le projet musical attendu, qui déroutent pour vous prendre par l’oreille et vous transporter dans de nouveaux espaces, des espèces d’espaces inouïs - pas esquimaux pour une note - mais qui explorent une façon jouer, une façon d’enjouer même, par la surprise/méprise de l’attente déçue.

ReBis- Sans Motif Apparent - Eaux Sombres

Et c’est là que c’en devient passionnant . A vous tendre l’impro pour vous en saisir un instant et vous ouvrir une autre possibilité d’écoute. Mieux la brusquer ensuite, de suite, pour vous maintenir dans l’instant. Pour vous détendre à l’alentour ou vous attendre au prochain détour.
NOUVEAU
[14:58]
N’attendez pas, laissez-vous porter/transporter par la proposition sonore ici jouée/voulue/défendue et délivrée sur la reprise d’ un souffle qui passe, d’une mélodie qui va s’amorçant pour se déjouer en ouvrant un autre registre.
Si, au départ, c’est loin d’être facile d’accès; un seul objectif, se laisse prendre, se laisser emporter vers cet ailleurs, cette belle proposition déroutante/ envoutante.

Sur la scène: deux musiciens, des machines, un saxo et le présent qui se dit en mode souverain, en mode méconnu, mais en mode triomphant.
ReBis, une autre façon de jouer, d’entendre et de s’écouter
L’homme est-il allé sur la lune ( et de qui ?), c’est peut-être ici que cela se joue, entre connu et reconnu, entre improvisation qui souffle et machine qui filtre pour improviser à son tour.
Comme disait Dante dans son Inferno : « Toi qui entre ici, perd toute illusion ».
En transposant un peu, la géographie s’ouvre, le souffle se délie, la musique se déploie et vous en restez coi.
A la croisée de l’électronique, de l’électro-acoustique et du son craquelé qui en surgit, il va falloir laisser fuir votre écoute, la laisser vagabonder pour qu’elle saisisse les ressorts et les clefs - du sax comme de la table de mixage; se laisser apprivoiser par cette façon de faire qui vous colle d’abord le doute sur ce qui se passe ici, pour ensuite vous balader/offrir/ faire surgir cet instant présent de l’impro qui, dès lors, vous a doucement ouvert à une autre écoute, un autre univers à reconnaître et partager. L’espace d’un souffle et de son transport assuré.
ReBis, sans redite - et c’est tant mieux.

Jean-Pierre Simard, le 12/05/2025
ReBis - Sans motif apparent - Disques Eaux Sombres