Réchauffement du climat : les médias continuent de semer le doute

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La confrontation entre opinions divergentes, comme sur la laïcité, a bien entendu toute sa place dans les médias. Mais prétendre que le réchauffement du climat n’est pas catastrophique n’est pas une opinion. Il EST catastrophique. Les directions des pages éditoriales, d’opinions et d’information n’ont qu’à lire les reportages de leurs propres journalistes pour s’en convaincre. Les scientifiques ne cessent de manifester leur inquiétude depuis des années. Pourquoi, alors, publier des textes dépréciant leurs avertissements et niant l’extrême urgence dans laquelle on se trouve ? Un éclairage venu du Québec, où on est confronté au même problème qu’ici, et dont l’exemple peut être utile.

Depuis la publication du rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à l’automne 2018, climatologues et journalistes ont multiplié les avertissements : si les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas de façon radicale, la Terre deviendra inhabitable pour des millions d’êtres humains. Au Québec comme ailleurs, et probablement par souci d’équité, des médias ont aussi publié de nombreuses chroniques, opinions et lettres dénonçant « l’alarmisme » climatique, le « catastrophisme » et le « pessimisme » environnemental.

C’est le nouveau discours climatosceptique. Un discours initié par des intérêts pétroliers et repris par divers auteurs. Les glaciers fondant à vue d’oeil, les néosceptiques ne peuvent plus nier la réalité du réchauffement sans passer pour des hurluberlus. Ils en minimisent plutôt la gravité et accusent ceux qui alertent l’opinion d’être « hystériques » et d’avoir une vision « apocalyptique ». Bref, oui les températures montent, mais il ne faut pas trop s’en faire (en fait, il faut surtout ne rien faire).

La confrontation entre opinions divergentes, comme sur la laïcité, a bien entendu toute sa place dans les médias. Mais prétendre que le réchauffement du climat n’est pas catastrophique n’est pas une opinion. Il est catastrophique. Les directions des pages éditoriales, d’opinions et d’information n’ont qu’à lire les reportages de leurs propres journalistes pour s’en convaincre. Les scientifiques ne cessent de manifester leur inquiétude depuis des années. Pourquoi, alors, publier des textes dépréciant leurs avertissements et niant l’extrême urgence dans laquelle on se trouve ? En cette ère de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, on compte sur les médias traditionnels pour ne dire que la vérité, même quand elle fait peur, plutôt que de dire une chose et son contraire. Il y a un intérêt déontologique et public à débattre de ces questions. Car beaucoup de place est encore accordée à la désinformation orchestrée par le lobby du pétrole et du gaz. Ce dernier se cache derrière des organismes aux noms neutres, sinon derrière des professeurs d’université ou des « analystes », afin de mieux attaquer la moindre mesure visant une diminution de la production et de la consommation de combustibles fossiles. Des chroniqueurs ne prennent pas la peine de s’informer et reprennent les arguments de ce lobby de façon désinvolte, sinon hargneuse. Les attaques, souvent cyniques, ont fusé contre des climatologues et des militants comme le metteur en scène Dominic Champagne[1], initiateur du Pacte pour la transition, et la jeune élève Greta Thunberg.

Invectives et épithètes

Le ton a été donné par Nathalie Elgrably-Lévy, professeure aux HEC et chercheuse et administratrice à l’Institut économique de Montréal (IEDM). En 2012, madame Elgrably-Lévy résumait le « scandale » du climategate (selon lequel les climatologues trompaient sciemment la population) dans le Journal de Montréal et concluait que « la thèse du réchauffement climatique est morte[2] ». Cet hiver, Mme Elgrably-Lévy lançait une première salve contre Mme Thunberg : « […] les discours annonciateurs de cataclysmes imminents n’émeuvent plus les adultes. Pour relancer l’alarmisme climatique, l’élite de l’écologisme mise maintenant sur l’instrumentalisation d’une adolescente pour relayer un discours apocalyptique et fanatiser les jeunes[3]. » (Au cours de l’automne 2018, j’ai exposé les liens entre l’IEDM et le lobby du pétrole : je reviens sur ce sujet plus loin.)

« Et puis, arrêtez avec les discours catastrophiques ! », implorait Richard Martineau deux mois plus tard, dans le même journal[4]. Or, risque de catastrophe il y a, nous prévient le GIEC[5]. Huit récents scénarios produits par des centres de recherche indiquent qu’on se dirige vers une hausse des températures de 5°C si des actions draconiennes ne sont pas prises maintenant. Une hausse effectivement « apocalyptique », souligne Joëlle Gergis, membre du groupe d’experts, dans un articile intitulé « The latest science is alarming, even for climate scientists »[6]. Les canicules mortelles toucheront alors 75% de l’humanité : « Une menace croissante à la vie humaine posée par des chaleurs excessives semble maintenant presque inévitable, mais sera grandement aggravée si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas considérablement réduites », préviennent les auteurs d’une étude parue dans Nature Climate Change[7].

Le chroniqueur Christian Rioux a entonné le même refrain que M. Martineau. « On sent bien aussi que, face à l’urgence climatique, certains ne répugnent pas à sombrer dans l’exagération, pour ne pas dire dans la propagande et l’hystérie », a-t-il écrit dans Le Devoir pendant qu’une canicule s’abattait sur l’Europe[8]. À l’instar de Mathieu Bock-Côté dans Le Journal de Montréal[9], il a contesté la pertinence d’écouter Mme Thunberg, « [d]’autant plus que cette jeune fille est atteinte d’une forme d’autisme appelée syndrome d’Asperger »[10]. Il lui reprochait d’utiliser des formules simples comme « Notre maison brûle ». Une enfant qui crie au loup quand il n’y a pas de loups mérite certainement d’être grondée. Mais faut-il la rabrouer quand les loups sont aux portes du village ? Le fait est que la maison brule…

Le Devoir a aussi consacré un long texte faisant l’éloge du psychologue américain Steven Pinker, rédigé par un professeur de philosophie sous le titre « Refuser le pessimisme environnemental [11] ». M. Pinker, explique l’auteur, conteste le fait qu’on puisse « prétendre pouvoir prédire l’avenir [sous-entendu l’avenir climatique] alors que tant de ‘devins’ se sont trompés au cours de l’histoire ». Très bien, mais les experts du GIEC ne font pas des « devinettes » en lisant dans les tasses de thé. Ils s’appuient sur les lois élémentaires de la physique et de la chimie. Le Cato Institute, un think tank financé par les frères Koch, puissants magnats du pétrole, a ouvert grandes ses portes à M. Pinker, brillant apologiste du statuquo[12].

Compte tenu de leur sensibilité manifeste à la crise climatique, également étonnante a été la décision des responsables des pages éditoriales de La Presse+ de publier des opinions ridiculisant à leur tour « les chantres du catastrophisme » que seraient Dominic Champagne et Luc Ferrandez, qui a démissionné de son poste de maire du Plateau Mont-Royal en dénonçant l’inaction climatique. « Nous venons de voir qu’où que ce soit ailleurs qu’en Afrique, il n’y a pas, à l’échelle des peuples, de raison de craindre l’avenir », affirmait l’urbaniste Richard Bergeron, ajoutant que les jeunes Québécois se trouvent « aux portes du paradis[13] ».

Le paradis, vraiment ? Un avenir radieux ? Au rythme actuel des émissions de GES, les tempêtes de plus en plus fréquentes inonderont régulièrement des municipalités en bord de mer. Dans un avenir certes lointain mais prévisible, la hausse du niveau des eaux inondera la Basse-Ville de Québec[14]. Si au cours des siècles tous les glaciers fondent – une éventualité qu’on ne peut plus écarter – les océans monteront de 65 mètres et Montréal disparaitra sous les eaux (l’aéroport est situé à 36 mètres d’altitude)[15].

Une autre lettre parue dans La Presse+ dénonçait « le catastrophisme délirant » et « l’eschatologie écologiste[16] ». Bref, ce qui menace notre bien-être, ce n’est pas la réalité, ce sont ceux et celles qui braquent les projecteurs sur la réalité.

Le lobby du pétrole

Avant même le Sommet de la terre de 1992 à Rio de Janeiro, les grandes entreprises pétrolières lançaient des opérations de relations publiques et contribuaient à la création de nombreuses fondations et think tanks pour minimiser l’importance des changements climatiques et semer le doute sur le consensus scientifique. Les adjectifs se sont mis à pleuvoir comme les poussières radioactives de Tchernobyl. Le contre-discours s’est mis en place. Les preuves scientifiques sont « contradictoires », « déficientes », « embrouillées ». Les mesures visant à limiter la combustion de pétrole, de gaz et de charbon sont « dévastatrices », « pharamineuses », « vaseuses » ; elles vont faire plus de mal que de bien à l’économie et font partie d’un complot mondial des écologistes pour prendre le pouvoir[17].

J’ai déjà expliqué, dans Le Trente, comment les compagnies de tabac utilisaient des paravents pour mieux faire passer leur message[18]. À l’automne 2018, j’ai publié une enquête dans le journal en ligne Ricochet montrant que le lobby du pétrole avait recours à la même tactique[19]. « Les entreprises ont besoin de l’appui de think tanks qui, en apparence, ne dépendent pas d’elles mais qui, dans les faits, sont soutenus par elles, et qui donneront un vernis académique et indépendant à leurs efforts promotionnels », note Donald Gutstein, professeur à la retraite de l’école de communication de l’Université Simon Fraser[20].

Mon article montrait les liens entre les frères Koch (depuis, l’un des deux est mort) - dont les entreprises possèdent des milliers d’hectares de sables bitumineux en Alberta[21] - et l’IEDM[22]. Ce dernier fait partie de l’Atlas Network, en compagnie d’autres groupes canadiens comme l’Institut Fraser et la Fédération canadienne des contribuables[23]. Ce réseau est entre autres financé, directement ou indirectement, par des magnats du pétrole, dont les frères Koch[24]. Les « partenaires » du réseau Atlas, comme le Cato Institute et la Heritage Foundation, sont tous pro-pétrole.

« Les Koch ont financé plusieurs sources de scepticisme environnemental, telle que la Heritage Foundation, selon laquelle ‘les observations scientifiques recueillies au cours des 10 dernières années ne justifient pas les avertissements de crise catastrophique d’origine humaine’ », rappelle le New Yorker[25]. L’IEDM est un membre associé de la Heritage Foundation[26].

L’IEDM ne divulgue pas ses sources de financement. Il se contente d’affirmer qu’il est surtout financé par des fondations, qu’il ne nomme pas. Depuis la publication de mon article, j’ai poursuivi mes recherches, fouillé dans les déclarations fiscales déposées aux États-Unis et pris connaissance de l’implication de la Fondation canadienne Donner. « Au cours des années 1990, une nouvelle vague de think tanks néo-libéraux s’est répandue sur le pays, note encore M. Gutstein. Avec le support organisationnel d’Atlas et un financement initial de la Fondation canadienne Donner, des hommes d’affaires locaux et des entrepreneurs néo-libéraux ont fondé des think tanks régionaux », dont l’IEDM[27].

La Fondation canadienne Donner est inscrite comme organisme de charité aux États-Unis[28], tout comme son pendant américain, la William H. Donner Foundation. En 2017 et 2018, elle a donné 202 034$ à l’IEDM[29]. Fait insolite pour une organisation « charitable », la William H. Donner Foundation a des actions dans des entreprises pétrolières, notamment Canadian Natural Resources, Marathon Oil et Murphy Oil[30]. De 2001 à 2017, elle a donné 761 321$ au Donors Trust[31], principale source de financement du mouvement climatosceptique aux États-Unis[32].

Le conseil d’administration de l’IEDM est présidé par Hélène Desmarais[33], dont la famille est le troisième propriétaire en importance de l’industrie fossile au Canada[34]. Il compte aussi parmi ses membres Stéphan Crétier, qui siège aussi sur le conseil de TC Energy, mieux connue sous le nom de TransCanada pipeline[35]. Les médias québécois publient régulièrement les textes d’auteurs de l’IEDM sur les enjeux climatiques et autres, sans jamais informer leurs lecteurs des relations de cet « institut » avec de puissants groupes d’intérêt. En décembre 2014, deux chercheurs de l’IEDM, Germain Belzile et Youri Chassin, aujourd’hui député dans le gouvernement Legault, écrivaient qu’il n’était pas urgent de se passer du pétrole[36]. Au même moment, TVA reprenait un sondage commandé à la firme Léger affirmant que les Québécois ne veulent pas payer plus pour se débarrasser du pétrole[37]. (Petit monde : Nathalie Elgrably-Lévy, de l’IEDM, siège au conseil d’administration de TVA[38].)

Depuis plus d’un an, M. Belzile écrit des textes dans La Presse+, où il affirme qu’il est inutile pour le Québec de se donner des cibles ambitieuses pour réduire les GES[39], qu’il faut cesser de « démoniser » le pétrole de l’Ouest canadien[40], que les taxes sur les GES ne doivent pas financer les énergies vertes[41], qu’il faut simplifier et accélérer le processus d’approbation des projets énergétiques comme les pipelines[42], etc. C’est là un autre aspect du contre-discours climatosceptique 2.0. Oui, le climat se réchauffe. Bien sûr, il faut faire quelque chose. Mais seulement des petites choses. Rien qui ne bouleverse le statu quo. Ne nous pressons pas. Pas besoin de fortes actions gouvernementales. Le libre marché va tout régler.

« L’avènement de nouvelles technologies qui émettent moins de GES est certain, mais il ne sera pas immédiat, pontifie M. Belzile. En attendant, toutes les personnes de bonne volonté peuvent avoir un véritable impact en pratiquant un environnementalisme de proximité. Lorsqu’on réduit ses déchets, qu’on se déplace en dehors des heures de pointe, qu’on recycle et qu’on réutilise, qu’on marche plutôt que de prendre son véhicule lorsque c’est possible, on contribue à diminuer les émissions de microparticules, le smog et les déchets, qui touchent directement notre entourage. Voilà des gestes concrets qui donnent vraiment quelque chose[43]. » Citoyens, mettez vos pailles en plastique dans le bac de recyclage et laissez les pétrolières tranquilles.

Quant à la populaire Tasha Kheiriddin—devenue analyste pour plusieurs médias, dont Radio-Canada, après être passée successivement par la Fédération canadienne des contribuables, l’IEDM[44]et l’Institut Fraser[45]—, elle défend elle aussi l’idée qu’il ne faut surtout pas se dépêcher de mettre fin au pétrole, ridiculisant au passage la vision « apocalyptique » de Greta Thunberg[46].

Le scandale de notre époque

Les journalistes devraient eux-mêmes réfléchir à leurs décisions éditoriales, discerner le principal de l’accessoire, le signifiant du non-signifiant. Certains d’entre eux s’enthousiasment pour les nouvelles technologies de géo-ingénierie, notamment pour les startups qui prétendent pouvoir trouver des façons d’extraire massivement du CO2 de l’atmosphère. Enfin un reportage en mode solution ! s’exclamait Bernard Drainville, animateur de 98,5 FM, après la publication d’un ixième article sur le sujet[47]. Ces jeunes pousses sont presque toujours soutenues par des pétrolières et autres industries polluantes, qui les utilisent comme autant de miroirs aux alouettes. Dans le meilleur des cas, les éventuelles technologies du futur se déploieront trop tard, alors qu’il existe déjà des technologies éprouvées, soit les énergies renouvelables. Le climatologue Michael Mann note qu’« il est beaucoup plus facile et beaucoup moins cher de ne pas relâcher de CO2, plutôt que de capter et de séquestrer le carbone […][48] ».

En attendant l’avènement de solutions bien hypothétiques, les pétrolières continuent d’utiliser l’atmosphère comme un dépotoir gratuit. Les contribuables ordinaires acceptent volontiers de payer des taxes pour le ramassage de leurs ordures ménagères plutôt que de les voir s’empiler au pas de leur porte. Les gros producteurs et émetteurs de combustibles fossiles, eux, pervertissent l’opinion publique et les gouvernements pour ne rien payer et ne rien changer, quitte à rendre la planète inhabitable. Voilà LE scandale de notre époque que les journalistes doivent faire éclater plutôt que de s’attarder aux épiphénomènes distrayants. « Il y a un train fou qui fonce sur nous, et c’est le changement climatique. Ceci n’est pas de l’alarmisme ; c’est un fait scientifique », soulignent Kyle Pope, éditeur en chef du Columbia Journalism Review, et Mark Hertsgaard, journaliste de The Nation[49]. Ce printemps, ils ont lancé un projet, le Covering Climate Change, incitant les médias à mobiliser la population pour prévenir le désastre. Selon eux, la situation de crise extrême dans laquelle on se trouve exige un bouleversement des règles de neutralité et remet en question la réticence des directeurs de l’information de participer à des campagnes de sensibilisation.

Nul ne brimera la liberté d’expression et ne contestera le droit des sceptiques de nier la science. Mais la gravité du réchauffement ne faisant aucun doute, les médias nuisent à la prise de conscience en leur offrant une caisse de résonance, estime Michael E. Mann, un climatologue réputé[50]. Au cours des dernières années, de nombreux médias occidentaux leur ont plus donné la parole qu’aux scientifiques[51]. M. Mann fut lui-même victime du « climategate », un scandale monté de toutes pièces pour dénigrer les climatologues[52]. Les médias desservent l’intérêt public lorsque, au nom du principe d’équilibre, ils ne publient pas seulement la vérité, mais aussi des contrevérités, ajoute-t-il.

Ce serait une erreur que de négliger les conséquences du nouveau discours climatosceptique, qui reconnaît la réalité du réchauffement, mais qui en nie la gravité. Le citoyen moyen se voit conforté dans ses habitudes et ne comprend plus l’urgence de réclamer des mesures vigoureuses puisqu’aucune catastrophe ne pointe à l’horizon. Il est conscient qu’il y a un danger, mais la force de l’inertie est plus implacable que la crainte du lendemain. Moi-même qui ai couvert le dossier de l’environnement pendant des années, il m’arrive de rêver la nuit que les scientifiques se trompent et je dors mieux.

Leurs scénarios sont terrifiants, y penser est angoissant, j’aimerais ne pas m’inquiéter pour mes enfants et petits enfants et faire autre chose pendant ma retraite que de lire et d’écrire sur le climat, sujet sombre s’il en est. Joseph E. Atkinson, éditeur du Toronto Starde 1899 à 1948, énonçait les principes qui, selon lui, devaient guider un journal comme le sien : une organisation de presse doit contribuer à l’avancement de la société à travers des réformes sociales, économiques et politiques. « Au coeur de sa philosophie se trouvait la conviction que l’État a le droit, et le devoir, d’agir quand les actions privées échouent », rappelle le Star[53], lequel incite aussi les journalistes à se méfier des manipulations des groupes d’intérêt qui s’activent dans un objectif égoïste. Aujourd’hui, la planète affronte un péril aussi dévastateur que la montée du fascisme dans les années 1930. Les actions privées et le libre marché ont échoué. Les médias ont le droit, et le devoir, d’exercer ce cinquième pouvoir que leur confie la population, comme ils l’ont fait au Québec et ailleurs en obligeant l’État à s’attaquer au crime organisé et à la corruption. Ils doivent faire pression sur les gouvernements pour qu’ils adoptent des mesures radicales et immédiates pour le climat. Kyle Pope, du Columbia Journalism Review, et le projet Covering Climate Change encouragent les médias américains à appuyer le Green New Deal initié par la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez[54].

Le même mouvement médiatique doit s’enclencher au Québec et au Canada. Plutôt que d’abreuver d’injures les scientifiques et les citoyens qui veulent briser le statu quo, plutôt de diffuser avec insouciance les cinquante nuances du déni, ce sera là une formidable façon de remplir leur mission : défendre l’intérêt public.

André Noël

Note : cet article a été publié dans la dernière édition du magazine Le Trente, le journal de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). André Noël a été journaliste à La Presse pendant une trentaine d’années. Ses nombreuses enquêtes lui ont valu une dizaine de prix de journalisme. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Mafia inc. (en collaboration avec André Cédilot). -

tiré du magazine Trente


NOTES

[1] Déclaration d’intérêt : j’ai accompagné M. Champagne lorsqu’il a rencontré le premier ministre François Legault, peu après son élection, afin de remettre à M. Legault les faits saillants du dernier rapport du GIEC et d’autres études parues dans la presse spécialisée. Depuis, je transmets régulièrement des informations scientifiques pertinentes à M. Champagne. [2] Nathalie Elgrably-Lévy, Le triomphe de la vérité, Le Journal de Montréal, 2 février 2012. https://www.iedm.org/fr/37391-le-triomphe-de-la-verite
[3] Nathalie Elgrably-Lévy, Les « jeunesses écologistes », Le Journal de Montréal, 15 mars 2019. https://www.journaldemontreal.com/2019/03/15/lesjeunesses- ecologistes
[4] Richard Martineau, Les Verts devraient descendre de leur nuage, Le Journal de Montréal, 28 mai 2019. https://www.journaldemontreal.com/2019/05/28/les-vertsdevraient- descendre-de-leur-nuage
[5] We have 12 years to limit climate change catastrophe, warns UN, The Guardian, 8 octobre 2018. https://www.theguardian.com/environment/2018/oct/08/gl obal-warming-must-not-exceed-15c-warns-landmark-unreport
[6] Joëlle Gergis, The Terrible Truth of Climate Change, The latest science is alarming, evern for climate scientists, Common Dreams, 5 août 2019. https://www.commondreams.org/views/2019/08/05/terribl e-truth-climate-change
[7] Camilo Mora et al, Global risk of deadly heat, Nature Climate Change, juillet 2017. https://www.nature.com/articles/nclimate3322.epdf
[8] Christian Rioux, France : Big Mother !Le Devoir, 5 juillet 2019. https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/558048/bigmother
[9] Mathieu Bock-Côté, Greta sur son voilier, Le Journal de Montréal, 31 juillet 2019. https://www.journaldemontreal.com/2019/07/31/greta-surson- voilier 6
[10] Christian Rioux, Sainte Greta, Le Devoir, 19 juillet 2019. https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/559000/sain te-greta
[11] Yanick Binet, Refuser le pessimisme environnemental,Le Devoir, 22 juin 2019. https://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philohistoire/ 557292/refuser-le-pessimisme-environnemental
[12] Enlightenment Now : The Case for Reason, Science, Humanism, and Progress, Cato Institute, 6 mars 2018. https://www.cato.org/events/enlightenment-now-casereason- science-humanism-progress
[13] Richard Bergeron, Les portes du paradis, La Presse, 30 mai 2019. https://www.lapresse.ca/debats/opinions/201905/29/01- 5228047-les-portes-du-paradis.php
[14] Gaétan Pouliot, Votre ville est-elle menacée par la montée des océans ? Radio-Canada. https://ici.radiocanada. ca/nouvelles/special/2015/12/climatrechauffement- montee-des-eaux/ [15] What the World Would Look Like if All the Ice Melted, National Geographic, septembre 2013. https://www.nationalgeographic.com/magazine/2013/09/ri sing-seas-ice-melt-new-shoreline-maps/#close
[16] Philippe Lorange, Environnement : la fin des temps, vraiment ? La Presse, 20 avril 2019. https://www.lapresse.ca/debats/courrier-deslecteurs/ 201904/19/01-5222876-environnement-la-findes- temps-vraiment.php
[17] Donald Gutstein, The Big Stall, How Bic Oil and Think Tanks are Blocking Action on Climate Change in Canada, James Lorimer & Company, Toronto, 2018, p. 60.
[18] André Noël, La route du tabac, op. cit.
[19] André Noël, Youri Chassin, la CAQ et le lobby du pétrole, Ricochet, 18 et 19 septembre 2018. https://ricochet.media/fr/2334/youri-chassin-la-caq-et-lelobby- du-petrole
[20] Donald Gutstein et al, Publicity and the Canadian State, édité par Kristen Kozolanka, University of Toronto Press, Toronto, 2014, pp. 93-94.
[21] De récentes informations montrent toutefois qu’ils ont mis ces actifs en vente : Les frères Koch tournent le dos aux sables bitumineux albertains, Radio-Canada, 15 août 2019. https://ici.radiocanada. ca/nouvelle/1262727/petrole-gaz-cavalier-energyvente- calgary
[22] André Noël, Ricochet, op. cit.
[23] Atlas Network, Global Directory. https://www.atlasnetwork.org/partners/globaldirectory/ canada
[24] Lee Fang, Sphere of Influence : How American Libertarians Are Remaking Latin American Politics, The Intercept, 9 août 2017. https://theintercept.com/2017/08/09/atlas-networkalejandro- chafuen-libertarian-think-tank-latin-americabrazil/
[25] Jane Mayer, Covert Operations, the billionnaire brothers who are waging a war against Obama, The New Yorker, 30 août 2010. https://www.newyorker.com/magazine/2010/08/30/covertoperations
[26] Heritage Foundation, rapport annuel 2017, pp. 45-46. https://www.heritage.org/sites/default/files/2018- 05/2017_AnnualReport_WEB.pdf
[27] Donald Gutstein, Harperism : How Stephen Harper and his think tank colleagues have transformed Canada, James Lorimer & Company, 2014, pp. 51-52.
[28] Formulaire 990-PF, Department of the Treasury Internal Revenue Service, Donner Canadian Foundation, 2017. http://990s.foundationcenter.org/990pf_pdf_archive/986/9 86000893/986000893_201712_990PF.pdf
[29] Donner Canadian Foundation Grants, 2017 et 2018. https://www.donnerfoundation.org/dcf/documents/Donner _Canadian_Foundation_2017_Grants.pdf et https://www.donnerfoundation.org/dcf/documents/Donner _Canadian_Foundation_2018_Grants_List.pdf
[30] Internal Revenue Service, Form 990-PF, Return of Private Foundation, The William H. Donner Foundation, 2016. http://990s.foundationcenter.org/990pf_pdf_archive/231/2 31611346/231611346_201710_990PF.pdf
[31] DonorsTrust, Desmog, Clearing the PR pollution that clouds climate science. https://www.desmogblog.com/who-donors-trust
[32] Robert J. Brulle, Institutionalizing delay : foundation funding and the creation of U.S. climate change counter7 movement organizations,Climatic Change, 19 novembre 2013. Institutionalizing Delay - Climatic Change.pdf
[33] IEDM, conseil d’administration. https://www.iedm.org/fr/1242-conseil-dadministration
[34] Who Owns Canada’s Fossil-Fuel Sector ? Parkland Institute, 18 octobre 2018. https://www.parklandinstitute.ca/who_owns_canadas_fos sil_fuel_sector ?sfns=mo
[35] Gouvernement du Canada, Information concernant les sociétés de régime fédéral, TC Energy Corporation. https://www.ic.gc.ca/app/scr/cc/CorporationsCanada/fdrlC rpDtls.html ?selectedDirectorUuid=%3BselectedIncorporat orUuid%3D&corpId=4148444&f=&V_TOKEN=154690649 4605&metricsId=GTM-WQQH22
[36] Youri Chassin et Germain Belzile, Peut-on se débarrasser du pétrole ? Les coûts d’une transition énergétique accélérée, IEDM, décembre 2014. Citation exacte : « Se passer du pétrole n’est ni urgent ni facile », p. 17. https://www.iedm.org/sites/default/files/pub_files/cahier03 14_fr.pdf
[37] Les Québécois ne veulent pas payer plus pour se débarrasser du pétrole, TVA Nouvelles, 11 décembre 2014. https://www.tvanouvelles.ca/2014/12/11/lesquebecois- ne-veulent-pas-payer-plus-pour-sedebarrasser- du-petrole
[38] Groupe TVA, Le conseil d’administration. http://www.groupetva.ca/legroupe/conseil-administration
[39] Germain Belzile, Réduction des gaz à effet de serre - Des cibles ambitieuses pour un impact insignifiant, La Presse, 17 janvier 2019. http://plus.lapresse.ca/screens/a179bd49-aeab-41d1- 9b69-60b45d992480__7C___0.html
[40] Germain Belzile, Pétrole – Les Québécois vous parlent, il faudrait les écouter, La Presse, 20 décembre 2018. http://mi.lapresse.ca/screens/d43cfb1b-67e0-4870- b612-486976534704__7C___0.html
[41] Germain Belzile, Taxer le carbone de la bonne manière, La Presse, 8 juillet 2019. https://www.lapresse.ca/debats/opinions/201907/07/01- 5233055-taxer-le-carbone-de-la-bonne-maniere.php
[42] Germain Belzile, Approbation de projets énergétiques – La valse de l’incertitude doit cesser. http://mi.lapresse.ca/screens/d307aea8-db16-4337-ba8d- 7ba2f2e4577c__7C___0.html [43] Germain Belzile, 17 janvier 2019, op. cit.
[44] Biographie de Tasha Kheiriddin sur le site de l’IEDM. https://www.iedm.org/fr/848-tasha-kheiriddin
[45] Biographie de Tasha Kheiriddin sur le site de l’Université McGill. https://www.mcgill.ca/maxbellschool/our-people/mppteaching- faculty/tasha-kheiriddin
[46] Tasha Kheiriddin, Élections fédérales : des politiques fédérales mal conçues en environnement, La Presse+, 26 septembre 2019. https://www.lapresse.ca/debats/opinions/201909/25/01- 5242843-elections-federales-des-politiques-federalesmal- concues-en-environnement.php
[47] Bernard Drainville sur son compte tweeter, 11 août 2019.
[48] Michael E. Mann, op cit., p. 126.
[49] Mark Hertsgaard et Kyle Pope, The Media Are Complacent While the World Burns, The Nation, 22 avril 2019. https://www.thenation.com/article/climate-changemedia- aoc-gnd-propaganda/
[50] Michael E. Mann and Tom Toles, The Madhouse Effect, How Climate Change Denial Is Threatening Our Planet, Destroying Our Politics and Driving Us Crazy, Columbia University Press, New York, 2016, p. 105 et suivantes.
[51] Alexander Michael Petersen et al, Discrepancy in scientific authority and media visibility of climate change scientists and contrarians, Nature Communications, 13 août 2019. https://www.nature.com/articles/s41467-019-09959-4
[52] Jane Mayer, Dark Money, The Hidden History of the Billionaires Behind the Rise of the Radical Right, Doubleday, New York, 2016, pages 198 et suivantes.
[53] The Star Mission and Atkinson Principles, The Toronto Star. https://www.thestar.com/about/aboutus.html#c3
[54] Mark Hertsgaard et Kyle Pope, op. cit