Short-cuts 51, par Nina Rendulic


semaine du 9 / 1 / 17

"Une grande loupe posée entre son corps et nos regards…"


David Bowie est mort et un silence pesant et blanc se niche parmi ces mots mortels. Un moment de grâce : le soleil éparpille des paillettes dorées sur des pavés luisants de la neige qui fond de la neige qui tarde de la neige imaginaire tandis que je lis une lettre d’amour d’un autre siècle écrite en langue étrangère.

David Bowie est mort et personne ne regarde les magnolias comme je les regarde en mars 2016 près du lac. Les arbres seront bientôt en fleurs mais plus jamais le même regard posé sur le mistral qui casse les pétales. On avance etc. (Que faire de son corps après un enterrement ?) C’est absurde, parfois.

David Bowie est mort et ce n’est qu’un détail parmi tous les détails du cœur qui se répand en cercles concentriques (ils sont ensemble mais jamais il ne se toucheront). Puis d’autres voix viendront : par exemple dans la poussière des souvenirs obliques et heureux de Berlin.

David Bowie est mort et il est à tous et il n’est à personne, peu importe le temps qui nous sépare de le temps qui nous sépare le temps qui nous… Le temps retire la pesanteur des strates d’une réalité réelle et il ne reste que l’arôme âpre et doux d’une poignée de moments que l’on décide de ne pas oublier.

David Bowie est mort.

Et vous, qui êtes soi-disant heureux dans vos vies soporifiques, êtes-vous vraiment heureux ?

Nina Rendulic


Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis

Photo Nina Rendulic

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