Short-Cuts 22, par Nina Rendulic

au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure

krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas


semaine du 13 / 6 / 16

 

(rudement, avec un D)

 

Je pense les mots.

Autocorrection. Brassard. Caméra. Douanier-Rousseau. Exubérant. Fil. Gésiers. Haïr (il manque toujours de verbes). Iode (comme dans le film). Jouir. Kayak (palindrome). Léviter. Mnémotechnique. Navire. Osé. Pouvoir. Quittance. Radicalement. Sténographie. Tâtonner (quid pour l’orthographe ?). Usuel. Visage. Whiskas. Xanax. Y. (le Z est croate).

Tu penses le corps.

Un corps peu souple et vaguement courbé à la hauteur des omoplates. Des rondeurs au niveau des hanches. Bassin raide. Deux longues jambes. Orteils déformés, crampes fréquentes, peau sèche. Un corps à nu, nuancé. Devant un miroir, nulle part. Un ciel étoilé par des grains de beauté. Quelques os saillants, sous la ligne du cou, là où la peau reste hâlée. Un visage pale. Des yeux inquiets. Une goutte de sang. Du sang noir. Des cheveux domptés. Des lèvres nerveuses. Des joues trop rondes. Des zones interdites. Zones de pensée, zones d’ombre, zones de soupçon. Il est là, le centre. Dans ce corps abstrait, dans ce corps dont tu fais abstraction. Et du centre de ton corps, le monde s’étend en spirale et fuit vers l’infini.

Elle pense les images.

Regarder le néant terroriser l’occident par la haine. La haine est vide, c’est un non-lieu, un anti-lieu incolore qui annule une existence dans son droit d’exister. Et le monde ? Comment il va le monde ? Elle ne sait pas. Elle pense les images. Format 135. On ne s’occupe point de ce qui sort du cadre. Des haines anonymes. On n’a point assez de lumière pour éclaircir tous les cadres. Le manque d’énergie est fatal. Plus aucun bruit dans le murmure du monde. La haine prend ses racines, tandis qu'elle, elle anticipe la beauté du monde…en images.

Nina Rendulic


Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis