Le post-humain et l'anthropocène angoissent l'homme blanc, par Sébastien Doubinsky

En ce moment, la grande mode de la pensée d'avant-garde et médiatique tourne autour du post-humain (Comment penser l'homme génétiquement modifié, l'homme-machine, l'homme entouré de choses ou de machines pensantes, etc.)  et de l'"Anthropocène", nouvelle époque géologique marquée (négativement) par la présence de l'homme.

Il est intéressant que ces deux courants de pensée, qui se rejoignent souvent, reposent sur deux postulats, c'est à dire sur des affirmations qui se doivent d'être étayées par la suite. En effet, pour beaucoup de généticiens, le post-humain doit correspondre à une évolution/mutation de l'homo sapiens, ce qui ne semble pas prêt d'arriver.

Pour les géologues, la marque de l'homme sur les couches géologiques n'est pas non plus évidente, ni son effet réel sur le climat, hormis, bien entendu, la pollution. je précise tout de suite que je ne suis pas un farouche conservateur néo-libéral, mais un anarchiste qui essaie simplement de réfléchir et de cerner les vrais problèmes. Il me semble, par conséquent, plus judicieux de considérer ces deux champs théoriques comme des champs spéculatifs, et non comme des vérités épistémiques. Or que nous révèlent ces théories, non pas sur l'avenir de l'homme ou de son environnement, mais sur notre mode de penser le monde? Que nous sommes encore et toujours dans une pensée occidentale qui n'arrive pas à se détacher des deux aspects fondamentaux (et catastrophiques à bien des égards) que sont le millénarisme et l'hubris. Millénarisme, parce que nous courons toujours à la catastrophe, ou que nous y sommes déjà, et qu'il faut, par conséquent nous sauver, même si c'est malgré nous (Les ravages de l'idée de "rédemption"), et hubris, parce que nous, les humains, sommes capables de modifier le monde à notre image, en véritables démiurges (positifs ou négatifs).

Il y a, par contre, une chose commune dans cette double vision soit positiviste (le post-humain est l'avenir radieux de l'homme), soit pessimiste (le post-humain annonce la fin de l'humanité, le pouvoir des robots, et l'anthropocène signale un point tragique de non-retour géologique), c'est, encore une fois, cet ethnocentrisme occidental dont on n'arrive décidément pas à se débarrasser. En effet, le post-humain annonce la fin de quel type d'humains? Ceux qui seront assez riches pour se faire cloner ou augmenter artificiellement. Et de même pour l'anthropocène: qui ne pourra pas survivre aux changements climatiques et autres catastrophes?

Nous, parce que les Premières Nations ont un niveau d'adaptabilité beaucoup plus élevé que le nôtre. Imaginons un instant un monde brusquement sans électricité, et comparons ce qui se passerait dans les plaines mongoles, dans la forêt amazonienne et New York, Paris et Tokyo. Le post-humain et l'anthropocène sont l'expression la plus criante de l'angoisse de l'homme blanc, une égrégore qu'il fait surgir face à un monde qu'il contrôle et comprend de moins en moins. Un monde métis, un monde jeune, un monde nouveau constitué d'autres humains non-blancs.

Sébastien Doubinsky


Bilingue, Sébastien Doubinsky écrit en français et en anglais. Il a publié des romans et des recueils de poésie en France, en Angleterre et aux USA. Il vit actuellement à Aarhus, au Danemark, avec sa femme et ses deux enfants. Il ne se cache pas d'être écrivain & anarchiste (il aurait bien tort), et tient un blog : "a view from Babylon".