Comment c’était à Mantes-la-Jolie ? Un lycéen raconte

Le Collectif de défense des jeunes de Mantes-la-Jolie

Le Collectif de défense des jeunes de Mantes-la-Jolie

Je ne connais pas son prénom mais peu importe. L'important, c'est d'écouter ce qu'il raconte et de l'écrire ici. De partager la parole d'un ado en sweat-shirt gris quand il raconte la violence ordinaire d'un Etat policier. Parce que ses mots ne mentent pas. Contrairement aux déclarations ministérielles et aux allocutions préparées pour mieux tromper, les mots de cet ado essaient de raconter l'humiliation subie sans mentir. Il est précis quand il se remémore, il fait partie des 151 lycéens de Mantes-La-Jolie nassés par la police avant d'être placés en garde à vue. 

Hier, jeudi 13 décembre, il a pris la parole et le micro pour essayer de raconter. Je recopie ses paroles, sans changer une virgule : «J'ai été interpellé jeudi. J'étais sur la vidéo qui a tourné, où on était tous agenouillés, mains sur la tête. Les policiers, ils ont débarqué d'un coup, alors qu'il n'y en avait aucun à l'horizon juste avant. Et tu pouvais pas t'enfuir, tu pouvais rien faire en fait. Ceux qui marchaient ou ceux qui couraient pas vite, ils se faisaient plaquer, ils se faisaient taper. Moi, j'ai fait partie de ceux qui se sont réfugiés dans les Restos du Cœur, ils nous ont ouvert les portes. Et ils sont rentrés, ils nous ont fait sortir un par un, mains sur la tête. Ils ont procédé à une fouille. Ils ont vu que j'avais un masque, un masque pour me protéger de leurs lacrymogènes. Et après ils m'ont emmené en haut, et je me suis mis à genoux, mains sur la tête.

Après ça on m'a embarqué, j'ai été transféré au commissariat de Mantes-la-Jolie. Et donc ils procèdent à une deuxième fouille, ils me mettent dans une cellule collective, une cellule prévue pour cinq personnes on était quinze. Pour dormir par exemple j'avais juste demandé un balai, parce que les cellules ils les nettoient pas, rien, j'avais demandé un petit balai histoire que je dorme par terre même si c'est pas confortable, et ils ont dit Non. Pour boire de l'eau ils nous disaient Non deux fois sur quatre. Pour aller aux toilettes pareil. Ils se moquaient de nous, ils étaient un petit peu violents. Ouais par exemple vendredi matin on n'avait pas dormi tout ça et y a celle qui était en garde, elle a dit «On se croirait au zoo de Thoiry», je sais pas à qui elle l'a dit, mais en gros nous on est des animaux, on est enfermés et eux c'est les spectateurs. Ils nous blaguaient, par exemple je suis parti faire mes empreintes digitales, y en a un qui m'a mis le coton-tige dans la bouche pour ma salive, il m'a dit «Ça c'est pour voir si t'as violé quelqu'un».

Voilà c'est humiliant déjà rien que la manière dont ils nous ont traités. Quand on était tous agenouillés y avait des «Hé l'Arabe !», «Hé le Noir !», y avait des insultes racistes, enfin des remarques racistes, et voilà, c'est une humiliation !»

Tieri Briet, le 14 décembre 2018

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