Land, la série qui ouvre le plus grand espace à découvrir : soi-même

Avec les 2 premiers volumes déjà disponibles, il est temps de vous mettre sur la piste de l’un des mangas à ne pas rater en 2024. 2024 qui sera l’année de Kazumi Yamashita en France : Mangetsu va publier les 11 volumes de Land, de janvier à novembre, dans une édition aux couvertures revisitées par l’autrice, une année pour plonger de surprise en surprise, car Land cache pas mal de mystères.

Quand on attaque la série, on est plongé dans le quotidien d’une jeune fille de 8 ans, Ann, qui vit dans un village entouré de montagnes, dont les 4 points cardinaux sont gardés par des monstres. Au-delà du village de paysans qu’on arrive difficilement à situer au moyen-âge, se trouve « l’Autre Monde » inconnu et inaccessible, et les habitants de cette communauté doivent se conformer à d’étranges rituels dont le plus cruel, mourir une fois passés 50 ans. 

Et si tuer les anciens est cruel, le père de Ann, Sutekichi a dû sacrifier l’une de ses filles —les jumeaux étant défavorables aux dieux ici— mais celle-ci a survécu dans les bois. Et l’histoire démarre avec les funérailles d’un membre de la communauté qui vient de fêter ses 50 ans, Ann découvre qu’il existe autre chose en dehors du village en rencontrant Anne, sa sœur. 

En plus des sœurs et de leur père, Kazumi Yamashita met en scène les gens du village qui subissent ce dogme et leurs croyances. La mise en scène nous fait ressentir tout le poids de l’endoctrinement ou de la tradition qui, dans ce décor qui évoque l’ère Meiji, questionne le Japon contemporain et son histoire. 

Sans en dévoiler plus, la fin du T1 comporte un twist qui risque de vous remuer aussi fort que dans l’Attaque des Titans — ou du côté du Village de M. Night Shyamalan — quand Ann va s’émanciper et changer le destin de toute sa communauté dans sa quête de liberté. Et dans cette quête de réponse, emporter les lecteurices dans cette grande saga.

L’arbre qui cache la forêt 

Si Land flirte avec les codes horrifiques au début avec ses kamis effrayants, son folklore angoissant, les premières révélations nous poussent dans une autre direction où la frontière entre les mondes et les révélations successives vont alimenter les thèmes clefs de l’œuvre : Qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ? Et quelle est notre part de liberté ou de libre arbitre dans notre société ? 

Avec un casting de personnages resserré, et une palette d’émotions graphiques très fine, Kazumi Yamashita, pour questionner les dynamiques de groupe face à l’oppression et l’endoctrinement, les inégalités sociales et le revers des traditions, le vieillissement de la société et l’éducation, la croyance et la falsification qui résonne fortement avec nos problématiques actuelles et la société japonaise.

Les relations toxiques entre les habitants de ce village et leur environnement, celle entre les parents et leurs enfants proposent un commentaire social perspicace avec les enjeux actuels sous le vernis du fantastique. L’autrice avoue que le décor et le mystère qui ouvre cette série sont inspirés par un souvenir d’enfance très précis, et après lecture —et relecture— on ne peut qu’admirer son talent pour nous faire réfléchir avec cette fable très graphique.

La nature a horreur du vide

Grâce aux personnages de Ann et Anne, on découvre ce monde cruel pas si éloigné du nôtre où la mythologie des kami —esprits— est revisitée à la sauce malsaine. Avec des enfants comme héroïnes, la mangaka nous propose un voyage émancipateur dont les enjeux vont grandir avec les personnages. 

Son design des créatures et des gardiens de la foi aux masques animaliers nous happe dès les premières pages à la fois dans leur beauté brute, que dans l’effet de réalisme magique qu’ils laissent planer sur la série. Kazumi Yamashita à un encrage un peu vibrant qui donne un côté chaleureux, un effet de proximité avec les personnages, les décors ou les objets.

On peut s’attarder sur les paysages, au centre du récit, qui sont particulièrement soignés dans ces jeux d’illusions, mais aussi le travail sur les yeux des protagonistes pour appuyer sur ces thématiques clefs. Ou encore la petite vibe Peter Pan dans le design des costumes de certains perso.

Land est une œuvre surprenante, à de nombreux niveaux, qui offrira pas mal de belles relectures une fois les 11 volumes sortis. Kazumi Yamashita parle de liberté et de découverte de soi dans un contexte fantastique où le scénario, la psychologie des personnages sont aussi réussis que les décors et l’ambiance. Une dessinatrice à découvrir grâce à cette première série traduite parmi ses nombreux titres et dont on espère en voir plus prochainement.

En attendant, les éditions Mangetsu ont réalisé une interview de la mangaka tandis qu’elle dessine la couverture du T1 de l’édition française, dans un format très réussi, façon documentaire. 

Traduit du japonais par Miyako Slocombe 

Toutes les illustrations sont © 2014 Kazumi Yamashita / KODANSHA. All rights reserved.
Image principale tirée de la vidéo ©Kazumi Yamashita / Archipel / Mangetsu

Thomas Mourier, le 13/03/2024
Kazumi Yamashita - Land - Mangetsu (11 volumes, 2 déjà dispos) 
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