Les surfeurs du trou de balle remasterisés sans vaseline

Les Texans de Butthole Surfers ont entamé une campagne de réédition de l'ensemble de leurs parutions chez Matador Records. Le groupe de rock bizarroïde lance la série de disques multiples avec des versions remasterisées de Psychic... Powerless... Another Man's Sac (1985), Rembrandt Pussyhorse (1986) et l'album live de 1984, PCPPEP. Bienvenue dans le bizarre, le tout venant étant épuisé.

Le début et le milieu des années 80 ont connu leur lot de combos insensés - The Birthday Party, Minor Threat et Black Flag avaient le pouvoir brut de faire fondre votre esprit en quelques secondes. SWANS, Einsturzende Neubauten et Big Black créaient une pression sonore suffisamment écrasante pour que leurs sons vous aplatissent. Et Sonic Youth affichait un mélange si imprévisible d'art, de culture pop et de violence que l'on quittait parfois leurs concerts en bavant.

Les Buttholes partagent des éléments avec tous ces groupes, mais y ajoutent un côté psychédélique insensé et une propension au spectacle bizarre... "PCPPEP" a été le premier à mettre en valeur la puissance de la formation classique du groupe à deux batteurs (King Coffey et Teresa Taylor). La brutalité synchronisée des percussions de cette paire (dont on dit à tort qu'ils sont frères et sœurs) fournit la base parfaite pour le souffle désordonné des guitares et du chant que se partagent alors Gibby Haynes et Paul Leary.

Au moment où ils ont commencé à tourner pour présenter et soutenir la version remaniée de "Psychic... Powerless... Another Man's Sac", les concerts des Buttholes était une extravagance berserk et évolutive de stroboscopes, de fumée, de pinces à linge, de danse nue, de porte-voix, de folie furieuse et de musique aussi follement époustouflante que celle de n'importe quel groupe qui ait jamais existé. 'Another Man's Sac' était également très avancé par rapport aux disques précédents. Certaines parties de l'album enveloppaient leur côté punk de tellement de ronronnements et de babillages qu'il était presque impossible de les discerner, tandis que d'autres segments s'étendaient vers une forme mutante de garage blues, et d'autres encore tourbillonnaient de façon incontrôlée. Et croyez-moi ou non, en live c’était au delà du bon, avec le côté fun d’une danseuse nue qui se rhabillait au fil du live, à l’inverse de la Stacia de Hawkwind qui passait le temps du concert à se désaper. Pas pour le même effet , évidemment, puisque 10/15 ans séparent les prestations des groupes, mais question psychédélisme, on était sur la même longueur d’onde. Le space-rock devenant du punk, blues, psyché vraiment rentre-dedans.

Cette évolution s'est poursuivie sur 'Rembrandt Pussyhorse', qui présentait un ensemble de morceaux pour lesquels la destruction de la forme basée sur le rock des Buttholes était mélangée à des passages expérimentaux et à des bandes magnétiques de toutes sortes. Haynes s'occupait de toutes les voix audibles à ce moment-là, et sa maîtrise du dynamisme post-langue était enfin en plein essor. Pendant ce temps, leurs concerts deviennent des exemples légendaires d'excès et de dérangement, et leur musique devient de plus en plus bruyante, étrange et sauvage. C'était le contraire de la scène hardcore dont ils étaient issus, qui se dirigeait vers des directions de plus en plus codifiées et stylistiquement conservatrices. On continue à les aimer aussi pour cela, rien que pour l’esprit déconnade à donf qui change des jeunes gabi qui n’ont jamais pris le temps d’avoir une vraie vie. Allez, on y retourne… 

Jean-Pierre Simard, le 7/02/2024
Butthole Surfers -
Psychic... Powerless... Another Man's Sac , Rembrandt Pussyhorse et PCPPEP. - Matador