Carlos Niño joue au futur en le mettant en feu et en jeu

On attendait cette rentrée Irreversible Entanglements, Joshua Redman et Yussef Dayes qui ne nous passionnent pas, et on tombe sur le très réjouissant (I’m just) Chillin’, on Fire de Carlos Niño qui lui nous réjouit les neurones et les oreilles avec une autre synhèse… Constat

Carlos Niño est à la fois commissaire d'exposition, producteur, musicien et architecte sonore, et ses albums Carlos Niño & Friends rassemblent les performances d'un large éventail d'artistes dans une multitude de genres. Tous ces albums sont basés sur l'improvisation et le collage, mais (I'm just) Chillin', on Fire arrive cette fois avec un peu plus de structure et d'orientation poétique. D’où l’intérêt renouvelé.

Le titre évoque l'équilibre et la relaxation en cas de stress intense, et la musique exprime à la fois le calme et l'excitation. Des collaborateurs réguliers comme Nate Mercereau, Deantoni Parks et Jamael Dean contribuent à façonner le son de l'album, aux côtés de plusieurs invités et compagnons de route de la première heure. Vers le début de l'album, V.C.R. réfléchit sur la paix, la solitude et la nature pendant "Mighty Stillness", libérant l'espace pour que l'énergie circule. "Love Dedication (for Annelise)" commence par des bruits d'eau et des respirations prolongées, puis s'enrichit d'un piano soul-jazz, d'éclaboussures de cymbales et d'une mélodie vocale simple et sans paroles, tandis que Surya Botofasina parle d'un amour inconditionnel et éternel. Laraaji et Photay sont tous deux invités sur l'envoûtant "Maha Rose North 102021, Breathwork", qui est rempli d'électronique bouillonnante, de cliquetis métalliques et de sons étranges et obscurs qui pourraient provenir de bébés excités.

"Transcendental Bounce, Run to it" contient des rythmes rapides qui semblent provenir d'un disque de 45 tours, ainsi que des paroles encourageantes de Maia, membre de l'AACM. Après la luxuriante cascade ambiante "Am I Dreaming", "Etheric Windsurfing, flips and twirls" est une période de joie électronique plus cinétiquement chargée, entraînée par une boîte à rythmes qui scintille rapidement. Le reste de l'album se poursuit sur un mode méditatif de jazz ambiant, avec "One for Derf", où Aaron Shaw joue du saxophone ténor de manière particulièrement inspirée et triste. André 3000 fait une apparition sur "Conversations", l'un des morceaux les plus abstraits de l'album, ajoutant des trilles de flûte respiratoires à un marécage hallucinatoire de synthétiseurs dégoulinants et bouillonnants et de voix libres de Cavana Lee et Mia Doi Todd. "Essence, The Mermaids Call" (avec le duo de longue date et inclassable Woo) continue sur cette lancée particulièrement étrange, avec des voix éthérées à l'envers qui se réverbèrent autour de guitares chatoyantes. Kamasi Washington est de retour pour le final jazz cosmique plus terre-à-terre "Eightspace 082222".

Un casting qui laisse rêveur, des pistes esquissés pour après-demain, des recherches (abouties ou presque), un résultat décoiffant/ surprenant/ intéressant .Le disque de jazz ( et plus) du mois. Au noisn. et pas moins !

Jean-Pierre Simard, le 25/09/2023
Carlos Niño & Friends - (I'm just) Chillin', on Fire- International Anthem