Maya Rochat redécouvre la poésie du vivant pour mieux la sublimer

L’exposition de Maya Rochat à la M.E.P. met en scène 12 ans de parcours artistique : de ses premiers travaux punk des années 2010 jusqu’au « Poetry of the Earth » (2022). Elle propose un voyage visuel et sensoriel au sein d‘une œuvre transdisciplinaire, dans laquelle images photographiques, collages, livres et installations vidéo ricochent pour arriver à un résultat bluffant.

Maya Rochat réalise des montages visuels aux couleurs hautement saturées dans lesquels fusionnent motifs naturels et peinture abstraite. Ses photographies de végétaux, de roches ou de rivières servent de point de départ à son expérimentation. Elle procède à une superposition d'images, les altère numériquement ou physiquement et en décuple l’usage et le sens en jouant sur la transparence, les textures et les couleurs. Livres d’artiste, tirages ou encore caissons lumineux, ses œuvres multi-supports dépassent aussi le cadre pour se déployer dans l’espace sous forme d’installations immersives et projections vidéo.

Inspirée par la nature et ses différentes formes et échelles, Maya Rochat engage une réflexion poétique sur la beauté du monde environnant, sa matière et sa transformation. Elle interroge aussi la place que l’humain y occupe en évoquant la pollution non seulement chimique, mais aussi visuelle, générée par le flux continu des images digitales. L’artiste invite le public à pénétrer dans un univers onirique qui offre une alternative sensible aux représentations d’un monde en crise, qu’elle cherche à ré-enchanter.

Maya Rochat, Vote for me! (Brain), 2012 Courtesy de l’artiste.

Présentée pour la première fois, sa série Poetry of the Earth (2022-2023), réalisée à partir d’une collection de diapositives de la Société mycologique de Bevaix consacrée aux fleurs protégées de Suisse, et qu’elle a ensuite transformées et dégradées à l’aide de procédés chimiques, a quelque chose d’immédiatement hypnotique. En marge d’un nouveau livre d’artiste, ce projet, le plus abouti à ce jour, est constitué notamment d’œuvres tridimensionnelles dans lesquelles l’artiste découpe des fleurs pour renforcer la dimension organique de l’image, et de caissons lumineux qui, à travers l’utilisation de films holographiques, lui permettent de jouer autrement avec la lumière et le regard – en fonction d’où on se place, les couleurs changent. Une dernière salle, enfin, présente quatre travaux vidéos de Maya Rochat, qui en marge de cette rétrospective est exposée par la Galerie C, fondée en 2011 à Neuchâtel, dans l’antenne parisienne.

Procédant par une superposition de photographies, de textes et de peintures abstraites, mais aussi par l’altération numérique ou physique des images, Maya Rochat a développé un langage formel singulier. Dans ses premières années (2010-2014), elle joue sur la densité des collages pour des images qui embrassent un contenu politique contestataire marqué. À partir de 2015, elle se tourne vers des photographies de végétaux, de roches ou encore de rivières, qu’elle transforme pour proposer de grands formats, hautement saturés en couleur, dans une démarche de réenchantement de la nature. Si ses séries commencent toujours par un livre, elles peuvent se déployer de bien des manières, notamment en vidéo et par des performances. Catalogue Maya Rochat de Rochat Maya et Ingold Tim, Editeur La Martinière.

Cameleon Stones, 2020 (© Maya Rochat Courtesy de l'artiste)

Entre psychédélisme et réenchantement, une artiste qui lutte pour redonner au beau sa valeur: objet de rêverie, moyen de lutter contre la prolifération du faux et de la publicité ou du discours politique abêtissant, en vous offrant sa vision polychrome et poly-organique des choses et vous ouvrir, tout simplement, au monde dans ses pluralités - même musicales avec ses installations . Recommandé.

Jean-Pierre Simard le 19/06/2023
Maya Rocha - Poetry of the Earth - ) 1/10/2023

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