Du ça et de Victor Burgin

Depuis la fin des années 1960, Victor Burgin s’est imposé à la fois comme artiste influent et théoricien de l’image fixe et animée, mais aussi comme initiateur de l’art conceptuel. Dans les 70’s, son travail consiste en de grandes séquences photographiques encadrées, comportant des textes imprimés juxtaposés ou superposés à l’image. Au début des 90’s, il se tourne vers la vidéo numérique, saisie du point de vue de la photographie - il s’intéresse notamment à la relation entre la stase et le mouvement. Burgin porte une attention constante à l’espace « entre » le spectateur et l’objet - au monde « réel » vu à travers le prisme de la narration, de la mémoire et du fantasme.

US77, 197, panneau d’un ensemble de 12, tirage argentique, 100x150 chacun © Victor Burgin

« …Mon travail fait appel à une “logique du rêve” plutôt qu’au sens commun. Il n’est pas destiné à être consommé… il doit être produit dans le processus actif de regarder, lire, comparer, interpréter ».
Victor Burgin

Adaptation, 2023, Œuvre en cours, vidéo en boucle. Avec le soutien du Jeu de Paume et l’aimable contribution de ses Bienfaiteurs. © Victor Burgin

Victor Burgin s’est fait connaître à la fin des années 1960 par ses contributions aux premières expositions muséales à la naissance de l’art conceptuel comme l’illustre l’exposition « Quand les attitudes deviennent forme » organisée en 1969 à la Kunsthalle de Berne. Son travail s’attache à explorer les relations entre les images fixes, les images en mouvement et les mots, le plus souvent dans leurs fonctions narratives et sémiologiques.
L’exposition du Jeu de Paume présente une sélection d’œuvres de 1970 à aujourd’hui, depuis ses réalisations mêlant textes et images photographiques jusqu’à sa production actuelle de vidéos réalisées par la modélisation numérique 3D. Les œuvres sont présentées de manière à confronter les différentes périodes de son travail faisant ressortir toute la quintessence de ses préoccupations artistiques et l’évolution de son approche.

Aucun matériel additionnel — textes muraux, citations ou cartels commentés — n’accompagne les œuvres présentées dans l’exposition, afin de conserver aux visiteurs une grande liberté d’interprétation.

Dear Urania, 2016, Vidéo en boucle.© Victor Burgin

en parallèle

Exposition Place(s) au Centre Photographique d’Île-de-France · 15.10 – 23.12.23

Place(s) présente un ensemble de pièces emblématiques de l’artiste, théoricien et enseignant, figure majeure de la scène artistique internationale, Victor Burgin. L’exposition retrace l’évolution décisive de ses recherches entre 1976 et 1984.

Victor Burgin emploie deux des vecteurs de narration par excellence, l’image et la parole, en développant une pratique qui trouve son aboutissement formel dans l’association de photographies et de textes.

Il propose ainsi un contre-discours qui déjoue et rejoue les codes idéologiques. Il le fait selon des stratégies évolutives, fruits d’un questionnement qui ne cesse de s’enrichir.

Entre 1973 et 1976, en réaction à la surabondance de photographies, Victor Burgin développe une pratique basée sur la réappropriation. Il réutilise des images commerciales et conçoit des textes en empruntant les codes de la publicité. Mettant l’accent sur les contradictions de la société capitaliste, ses pièces cherchent à éveiller le regard critique du spectateur et sa conscience de classe (comme on peut notamment le ressentir dans Think about it, 1976).

Cependant, à partir de 1976, l’artiste décide de réaliser lui-même ses images pour une plus grande liberté d’action. Il puise ainsi dans le répertoire stylistique de la Street photography (comme à titre d’exemple dans la série King’s Road, 1976 – 84) qu’il considère comme l’une des expressions photographiques par excellence.

En parallèle, si la combinaison de textes et d’images demeure, elle s’appuie désormais sur un jeu d’associations faisant appel à l’inconscient. La réflexion de Victor Burgin,
qui s’appuyait notamment sur la lecture de Roland Barthes, s’enrichit des apports de la psychanalyse. Autrement dit, il souhaite dorénavant dévoiler « l’inconscient des images ». Cela correspond à un déplacement des interrogations qui glissent de la représentation du fait politique aux politiques de représentation.

Au même moment, un autre changement se produit touchant aux thèmes investis. Victor Burgin, jusque-là attentif aux inégalités de classe, se saisit plus spécifiquement de celles liées au genre.
Il traite ainsi de questions étroitement liées entre elles telles que le patriarcat, la construction de la subjectivité et la sexualité (comme en atteste notamment Zoo 78, 1978).

Enfin, dès cette période, au sein de ses œuvres, il accorde une importance centrale aux lieux. Ici, il s’agit principalement du milieu urbain comme dispositif, par exemple la ville de Lyon ou Grenoble dans les séries In Lyon, 1980 et In Grenoble, 1981. Ainsi, comme son titre le suggère, cette exposition pourrait s’apparenter à une déambulation à travers la ville et ses rues envahies d’images. Les pièces de Victor Burgin semblent alors se situer dans un territoire dual, donnant toujours à appréhender aussi bien un espace physique qu’un espace psychique.

King’s road, 1976 - 1984 (extrait)

Jean-Pierre Simard, le 4/12/2023
Victor Burgin — ça ! et Place(s) -> 28/01/2024 et 21/01/2024
ça au Jeu de Paume
1, place de la Concorde Jardin des Tuileries, 75001 Paris
Place(s) au CPIDF
107, avenue de la République Cour de la ferme briarde 77340 Pontault-Combault


En savoir plus avec le catalogue de l’expo - Victor Burgin, ça ! de Victor Burgin et Pia Viewing, éditions Manuella.

Victor Burgin, né en 1941 en Angleterre, est artiste, écrivain, professeur d'université et théoricien de l'image et notamment de la photographie. Figure majeure de l'art conceptuel, il explore, tant dans sa réflexion théorique que dans ses oeuvres les relations entre le language et l'image, s'intéressant particulièrement aux questions de la représentation et des codes sociaux la régissant. Burgin a publié de nombreux ouvrages, dont Between (1986, rééd. 2020) et Components of a Practice (2008), conçus comme des deux premiers titres d'une trilogie dont ça ! (that! en anglais) est le troisième.