Véronique Dorey nous fait son Inventarium

Et si on parlait ici de virtuosité multi-couches, d’un précision du trait jamais mise en défaut et ce, quelque soit le sujet ou le registre abordé. Et, puisque Arts Factory l’expose sur ses quatre niveaux, dès mercredi prochain 23/11, revenons sur trente ans de dessins et peintures, justement mis en page dans Inventarium qui vient de sortir chez Cernunnos. Attention ça va secouer !

veronique_dorey_derwald2_2019_2020 "venus", 2020 - série "der wald" graphite sur papier, 77 x 60 cm courtesy galerie arts factory

Véronique Dorey est née en 1963, elle vit et travaille à Paris. Dessinatrice, elle publie ses premiers récits dès la fin des années 1980 dans la revue Métal Hurlant ,avant de commencer une carrière de coloriste pour la bande dessinée. Elle œuvre notamment sur la trilogie Le roi des mouches du duo Mezzo / Pirus, tout en enfouissant dans ses cartons à dessins d’hallucinantes pépites graphiques. À la faveur d'une première exposition avec la galerie Arts Factory en 2005, ses minutieuses acryliques sur papier sortent enfin de l’atelier, révélant un travail diabolique de précision.

veronique_dorey_atimeforlove2_2000_2007 "highway to hell" - série "a time for love", 2000/2007 acrylique et vinylique sur papier, 42 x 30 cm courtesy galerie arts factory

Véronique Dorey va créer dès 1995 une série de peintures inspirées par la nostalgie des jouets de son enfance. Elles mettent en scène des bébés surdoués, conducteurs de bolides en tous genres. Suivront au mitan des années 2000, les couples légèrement névrosés de la série A time for love qui, sous l'apparente tranquillité d'un univers qui, détournant habilement les codes de l'american way of life, laisse surgir un humour noir des plus féroce.

Peinture à gauche Véronique DoreyZombie Love”, acrylique et vinyle sur papier ,30x39cm, 2011
A droite, dessin Véronique DoreyTeen Spirit”, graphite sur papier, 19x 11 cm , 2011

Entre 2011 et 2012, son Bestiaire enchanté met en scène d'évanescentes nymphettes, apprivoisant animaux et créatures chimériques dans les méandres d’un Éden féérique. En 2016 et 2017, elle illustre avec sensibilité Quatre cœurs imparfaits et La science des cauchemars, deux nouvelles de Véronique Ovaldé publiées par les éditions Thierry Magnier.

veronique_dorey_derwald1_2019_2020 "weisse stiefel", 2019 - série "der wald" graphite sur papier, 65 x 50 cm courtesy galerie arts factory

veronique_dorey_derwald3_2019_2020 "wolfshund", 2019 - série "der wald" graphite sur papier, 65 x 50 cm courtesy galerie arts factory

Avec Der Wald, Véronique Dorey signe en 2020 une époustouflante suite de dessins à la mine de plomb. Sombre et inquiétante, cette forêt de papier évoque un no man's land aux confins de la Rhénanie, hanté par des adolescents en quête d’échappatoires à leur quotidien. Ces différentes séries ont été régulièrement présentées par la galerie Arts Factory, puis au Musée de la Halle Saint-Pierre via la revue HEY! Modern Art & Pop Culture. Elles sont aujourd'hui enfin réunies par les éditions Cernunnos dans une somptueuse monographie.

Chaque dessin est sculpté pendant des heures. Extrêmement minutieuse, Véronique Dorey utilise dans ses séries en noir et blanc de très longs crayons plus ou moins tendres, qui apporteront les nuances de gris nécessaires à son travail photographique d’une extrême précision. Son approche des textures est tellement fouillée qu’elle réussit même à exprimer,la profondeur de champ. Un premier plan parfaitement net, et un arrière plan totalement flottant, vaporeux.

veronique_dorey_adoscopie1_2021_2023 "star", 2023 - série "adoscopie" graphite sur papier, 65 x 50 cm courtesy galerie arts factory

A l’heure de l’AI, le travail de Véronique Dorey est niché quelque part entre Chris Ware, Trevor Brown, les peintres de la scène low brow et l’âge d’or de l’illustration publicitaire. Armée d'une solide technique et d'une patience à toute épreuve, Véronique Dorey enlumine ses compositions par un jeu de typographies entièrement faites main, délicieusement anachronique à l'heure du tout numérique. Ouvert par une préface fort élogieuse de Benjamin Lacombe, Inventarium se clôt sur une longue interview /dialogue avec la romancière Véronique Ovaldé avec laquelle elle a participé à deux ouvrages. Pour s’en mettre plein les mirettes , le livre est en rayon et l’expo commence mercredi prochain. Pour sentir le frisson du réel trop parfait dans sa déglingue, ce sera là. On y sera.

Jean-Pierre Simard le 21/11/2023
Véronique Dorey - INVENTARIUM - RÉTROSPECTIVE peintures & dessins 1995-2023 ->
23 /11/2023 -> 20 /01/ 2024
Arts Factory - 27, rue de Charonne 75011 Paris
Inventarium, tout l’art de Véronique Dorey - éditions Cernunnos