Madame Ayuso, Madrid, Eurovegas et la droite-casino

Grâce à Isabel Diaz Ayuso, présidente de la Communauté de Madrid pour le mal-nommé Parti Populaire depuis 2019, Madrid a détrôné Barcelone comme capitale du tourisme des fiestas et beuveries. Dans sa campagne pour les élections anticipées qu’elle a provoquées en démissionnant, elle a tout bonnement adopté le style du parti d'extrême droite Vox (pendant que le candidat du PSOE, Gabilondo, ne voit rien de plus urgent à faire que de mettre en garde contre le communisme). -RL

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Toutes les grandes capitales dans le monde entier courent le risque de devenir des laboratoires d’essai politiques de la droite. Mais elles sont toujours aussi des espaces de résistance de la gauche.

Avec la globalisation, les Etats nationaux ont perdu du pouvoir et une grande partie de cette minorité qui a récupéré l ‘argent qu’ont perdu les majorités se concentre dans les capitales  - mais c’est aussi le cas de ceux qui cherchent désespérément une opportunité et de ceux qui, sans être des losers, parviennent à la générosité à partir de leurs valeurs.

Les crises amènent du fascisme. De haute ou de basse intensité. Celle de 2008 amena la tentative de démanteler les derniers instruments sociaux qui avaient vu le jour en Europe après la IIème Guerre Mondiale. C’est la situation où nous nous trouvons, aggravée par la COVID 19.

Si Madrid a été un bastion de la droite, d’autres villes comme Londres, Palerme, Berlin, Paris ou Barcelone ont été des espaces de résistance face aux tentatives de la droite de démanteler tout tissu social.

Une des tentatives les plus désespérées de la droite de faire de Madrid un bastion du capitalisme sauvage eut lieu avec Eurovegas. Dans cette opération ourdie par Ignacio González, un des Présidents du Parti Populaire aujourd’hui en prison en tant que voleur, on voulait livrer 750 hectares d’hôtels, gratte-ciel, terrains de golf et casinos à un magnat du jeu, Sheldon Adelson, un entrepreneur de Las Vegas célèbre parce qu’il était très riche et parce que, dans cette ville, les travailleurs des casinos ne pouvaient pas s’affilier à un syndicat.

Le voleur González voulut donner carte blanche à Adelson pour que même la Constitution espagnole ne soit pas en vigueur dans Eurovegas, lui permettant de dicter ses propres normes sur des questions qui allaient depuis le droit de fumer dans des locaux publics à des prêts d’argent à des particuliers, en passant par le droit à se syndiquer librement ou la tolérance de la prostitution.

Un paradis pour les winners, supporté par des losers invisibles qui doivent faire ce qu’on leur ordonne, tout en restant invisibles. Où l’élite mondiale irait se faire servir par les travailleurs, pour un salaire de misère, cocktails et repas, faire nettoyer leur chambre et où, pour peu qu’elle en ait envie, elle sentirait qu’elle pourrait remettre en usage le droit de cuissage qu’avaient jadis les rois absolutistes et aussi, semble-t-il, certains monarques constitutionnels.

Transformer Madrid en Casino est cohérent avec l’idée qu’a la nouvelle droite de nos sociétés. De fait, Madrid est devenue une capitale du jeu, bien qu’il soit la nouvelle drogue qui dévaste le futur des nouvelles générations.

Les règles du casino sont les règles de cette droite néo-libérale sans scrupules. Celui qui gagne ramasse tout. La seule règle, c’est l’argent. Les uns jouent, et tous les autres travaillent. Dans le casino, il n’y a pas de queues de la faim, et on ne mange pas de pizzas, le public n’existe pas parce que tout est privé, il n’y a pas de nids-de-poule et on ne vous coupe pas l’électricité qui devrait briller, et personne n’a l’air d’avoir du mal à arriver à la fin du mois parce que les pauvres n’entrent pas au casino. Dans la société-casino de la droite, le droit d’entrée est réservé.

C’est pourquoi ils ont même leurs hôpitaux privés pour que, au cas où un riche aurait un infarctus, il puisse être soigné sur place. Et si un travailleur tombe malade, il sortira par la porte de derrière sans que personne le voie, pour être conduit dans un hôpital public.

On parie qu’il est mort plus de personnes âgées humbles que riches dans les maisons de retraite ?

La nouvelle droite aura toujours des jetons pour jouer, des glaçons dans son verre et un appartement que lui prêteront les maîtres du casino ; en échange, s’ils ont besoin de quoi que ce soit, comme dans Le Parrain, on le leur offrira sans problème – que ce soit une subvention, un terrain à construire, un contrat, la faveur d’un juge ou la défense de leurs intérêts dans les médias.

Madrid commence à ressembler à Eurovegas. Attendre l’immunité collective est la politique sanitaire de la droite contre la COVID-19. C’est la première chose qu’ils ont dite, et c’est ce qu’ils pensent. Les nantis, les gens en bonne santé, les riches, les égoïstes mesurent toujours le monde à l’aune de leur sort et de leur accès aux médicaments, aux aliments et à un environnement sain.

Ils ont toujours pensé que si le coronavirus s’étend, il affectera davantage les pauvres que les riches. Il se peut qu’un privilégié succombe, mais c’est un coût qu’on peut assumer, de même qu’un millionnaire peut se ruiner et, même, finir en prison ; c’est un prix qu’ils sont disposés à payer, pour le bien-être de leur clan.

C’est pourquoi Díaz Ayuso (1) a ouvert Madrid aux étrangers qui viennent faire ici ce qu’ils ne font pas dans leurs pays. Et l’immunité collective n’a plus qu’à pallier l’absence de vaccins, parce qu’ils sont aussi privés.

Il y eut un temps, en Espagne, où nous jetions les papiers et crachions par terre, mais nous n’agissions pas ainsi en France ou en Allemagne. Maintenant, c’est le contraire, et les Français égoïstes – qui ne sont pas tous les Français – viennent en Espagne jeter leurs ordures par terre et se comporter en colonisateurs.

Il n’est pas vrai que cela aide l’hôtellerie, parce que cela n’aide pas les serveurs et serveuses, ni non plus, lorsqu’il y aura une reprise, les entrepreneurs. Ce qui aiderait, c’est des contrôles plus stricts et des  aides directes pour supporter les pertes économiques. Aides qu’Ayuso n’a pas données. A droite, l’égoïsme et la myopie sont toujours les plus forts.

La liberté personnelle finit où commence celle des autres. C’est la base de la démocratie. Mais dans la société-casino de la droite sans complexes, la liberté est un privilège des winners qui achètent aussi quelques losers qui croient qu’ils ramasseront quelques miettes de la table des riches.

Il est curieux qu’en Espagne, ceux qui parlent de liberté, ce sont ceux qui ont interdit la liberté pendant quarante ans, ceux qui parlent du drapeau, ce sont ceux qui ont le plus de responsables politiques en prison pour avoir volé de l’argent public, ceux qui n’ont que l’Espagne à la bouche, ce sont ceux qui ont vendu notre territoire, hier aux bases usaméricaines, et aujourd’hui au nouvel Eurovegas qu’est en train de devenir la capitale de l’Espagne, Madrid.

Juan Carlos Monedero
Traduit par
Rosa Llorens

Pablo Iglesias a fait le choix de renoncer à son poste de vice-président du gouvernement pour mener la bataille électorale antifasciste à Madrid contre l’alliance de la droite et de l’extrême droite autour de la candidature d’Isabel Díaz Ayuso, qui …

Pablo Iglesias a fait le choix de renoncer à son poste de vice-président du gouvernement pour mener la bataille électorale antifasciste à Madrid contre l’alliance de la droite et de l’extrême droite autour de la candidature d’Isabel Díaz Ayuso, qui vient de déclarer (sans rire) : “Si on te traite de fasciste, c’est que tu es du bon côté de l’histoire”.