Le COVID-19, virus ou gigantesque bug ? Par Sébastien Doubinsky

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Depuis son apparition en novembre 2019 en Chine, le Covid-19 a réussi à mettre à mal toutes les narrations autoritaires de gouvernance, de l’extrême dictature fasciste Chinoise à nos semi-démocraties ultralibérales. Il aura fallu un grain de sable microscopique, une particule de chaos naturelle pour littéralement gripper absolument tous nos systèmes.

Avec le Covid-19, toutes les illusions, les faux-décors, les slogans creux sont tombés d’eux-mêmes, révélant la sidéralité de la bêtise et de l’inhumanité des modèle politico-financiers qui prétendent nous diriger. Le Covid-19 c’est, d’un côté, la révélation au grand jour du visage aussi brutal qu’inefficace des dictatures avérées (Chine, Iran, bientôt Russie et consorts) et de leur système de contrôle social, et de l’autre l’anéantissement pur et simple des faux sourires et des slogans style méthode Coué des VRP de l’UE, de l’Angleterre et des USA.

Ce n’est certes pas la première fois qu’une épidémie frappe le monde, mais ce qui est différent est qu’aujourd’hui, c’est bien nous qu’elle frappe et que la faillite d’une réponse efficace de beaucoup de pays vient d’une cause parfaitement identifiable: le désinvestissement des gouvernements dans les structures essentielles comme la santé, l’éducation ou l’administration de base au profit d’une capitalisation privée sans contrôle et sans responsabilité morale (ni financière, puisque quand cela va mal, c’est à l’Etat, donc nous, de payer...). Or, comme Hitler dans son bunker en 1945, nos états continuent leur affolant déni de responsabilité au milieu du champ de ruines. Mais aujourd’hui, même les médias qui les soutiennent n’arrivent plus à détourner l’attention et à trouver d’autres causes à nos problèmes. La preuve: ils ne parlent jamais des causes. Ils ne le peuvent pas. S’ils évoquaient une seule fois la réduction des lits, la suppression des postes, la politique d’économies criminelles dans toutes les infrastuctures de la nation, ils ouvriraient la boîte de Pandore, dont les monstres risqueraient de les emporter aussi.

Mais cet échec total de nos dirigeants est aussi l’échec de toute une partie de l’éducation de nos élites: celle des écoles de commerce. Toute l’Europe de Maastricht et de Lisbonne s’est construite autour d’une idéologie faible, nuisible et totalisante. Or, ce que cette crise prouve, c’est qu’un pays, c’est bien tout sauf une entreprise. Que ce qui constitue la rationalité d’une décision, ce n’est pas l’analyse des résulats d’un algorithme, mais une réflexion humaine à partir du réel. Le Covid-19 est plus qu’un virus, c’est un énorme “bug” informatique, qui révèle toutes les failles d’un système qui se voyait jusqu’ici (et qui se voit encore, n’en doutons pas) comme le digne et unique représentant de “la fin de l’Histoire”, pour reprendre la formule de ce crétin de Francis Fukuyama.
Certes, la propagande se chargera d’ici quelques mois de repeindre le monde à ses couleurs et clamera certainement une victoire usurpée à celles et ceux qui se sont effectivement battu.e.s pour préserver des vies, malgré le système. Mais je pense, sans être prophète, que le bug va demeurer et qu’il a atteint la machine beaucoup plus profondément qu’elle l’imagine.

Car, avec ses dizaines de milliers de morts et ses politiques inefficaces voire criminelles (Penser qu’une “immunisation de masse” naturelle pourrait marcher, quand on voit dans l’histoire de combien de morts seule la variole a été responsable avant la découverte de son vaccin, est d’une bêtise insondable et sinistre), notre système est plus que nu: il est devenu transparent. Toutes les craintes que l’on pouvait avoir sur son idéologie sont désormais non seulement confirmées, mais indéniables. Même la Chine n’a pu cacher le mouvement des urnes funéraires qui rèvèlent bien qu’il faut multiplier tous leurs chiffres au moins par 10. La société de surveillance des citoyens est en train de se transformer en société de surveillance de l’État,et comble d’ironie, grâce à des outils purement commerciaux (les réseaux sociaux, entre autres). Comme quoi, douce ironie l’argent se moque bien des couleurs politiques.

Le Covid-19, bug qui a réussi un “system error” global, est donc un élément essentiel pour une pensée régénérée de notre système politique, social et environnemental. S’il ne porte en lui-même rien d’autre qu’une sale maladie qui a tué beaucoup trop d’entre nous, il est néanmoins l’allié paradoxal de toute pensée sociale actuelle, qu’elle soit profondément réformiste ou révolutionnaire. La machine aussi tousse, a de la fièvre et est sous respirateur. Par contre, là, aucune hésitation pour la débrancher. Sa disparition sauvera sans aucun doute des millions de vies.

Sébastien Doubinsky, le 15 avril 2020


Bilingue, Sébastien Doubinsky écrit en français et en anglais. Il a publié des romans et des recueils de poésie en France, en Angleterre et aux USA. Il vit actuellement à Aarhus, au Danemark, avec sa femme et ses deux enfants. Il ne se cache pas d'être écrivain & anarchiste (il aurait bien tort), et tient un blog : "a view from Babylon". Nous l'accueillons parmi nos chroniqueurs.