Trois jours d'attaques contre les musulmans à Delhi ne pourraient pas avoir lieu sans l’assentiment de l'État

Des émeutiers ont mis le feu à un magasin lors des violences de Gokulpuri, dans le nord-est de Delhi, mardi. | PTI

Des émeutiers ont mis le feu à un magasin lors des violences de Gokulpuri, dans le nord-est de Delhi, mardi. | PTI


La violence dans les villes indiennes ne se produit tout simplement pas sur plusieurs jours sans la participation active de l'État.

Si cela avait duré une heure ou deux, on aurait pu dire que la police n'était pas préparée. Si tout cela était sorti de nulle part alors que le président des USA visitait la capitale nationale, on aurait pu dire que le ministère de l'Intérieur était aveugle. Si cela se passait dans une partie du pays difficile d'accès, on aurait pu dire que le terrain rendait les choses difficiles.

Mais lorsque des foules anti-musulmanes violentes peuvent se déplacer librement à Delhi, la capitale de l'Inde, pendant trois jours entiers, après qu'un politicien du parti au pouvoir se soit tenu devant un officier de police supérieur et ait menacé de prendre la violence en main , il est clair qu’elles bénéficient de la sanction des autorités.

Des vidéos et des rapports de la police de Delhi fermant les yeux ou même participant à la violence, au silence des principaux dirigeants du parti Bharatiya Janata, le rôle de l'État dans les événements de ces derniers jours ne fait aucun doute.

La violence dans les villes indiennes ne se produit tout simplement pas sur plusieurs jours sans la participation active de l'État.

Si la police n'a pas pu arrêter les foules anti-musulmanes, elle aurait dû le dire et appeler l'armée pour rétablir la paix. Pourtant, après une réunion mardi, la police de Delhi a déclaré qu'elle contrôlait les choses, même si des quartiers entiers de la capitale nationale étaient inaccessibles à moins que vous ne soyez membre d'une foule violente .

Les rapports et les témoins oculaires de lundi et mardi ont indiqué clairement que les foules avaient le soutien de la police et ont même bénéficié de son implication active dans certains cas. Bien que beaucoup signalent la violence venant des «deux côtés» - et sans aucun doute il y a eu des incidents causés par des manifestants anti-amendement à la loi sur la citoyenneté - la décision partisane de la police de soutenir un groupe contre un autre devrait être un indicateur clair de ce qui se passe ici : la violence de la foule parrainée par l'État, qui mène à des représailles.

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Il est inutile d'essayer de comprendre pourquoi le gouvernement dirigé par le BJP voudrait recourir à une telle violence, en particulier à un moment où le président américain se rendait dans la capitale. Une telle spéculation tente de lire l’avenir dans les feuilles de thé et de regarder au-delà de la rhétorique religieuse et violente utilisée par beaucoup de gens à maintes reprises dans les émeutes : «tirez sur les traîtres», «nous allons entrer dans leurs maisons et les battre», «il n'y en a qu'un nom, c'est Jai Shri Ram» (en somme, le “Allah Akbar” des hindous).

Le ministre de l'Intérieur, Amit Shah, a admis que son parti n'aurait pas dû utiliser une telle rhétorique à l'approche des élections à Delhi, au cours desquelles le BJP a été battu. Mais les politiciens du BJP qui ont fait de telles déclarations ont tout au plus reçu de petites gifles sur la main de la part de la Commission électorale.

C'est l'un de ces politiciens, Kapil Mishra, qui a lancé un ultimatum à la police et déclenché l'actuelle vague de violence dans la capitale. Alors que d'autres dirigeants du BJP dans la capitale ont tout de même remis en question ses propos, la direction centrale du parti ne s’est pas prononcée. Un silence du Premier ministre Narendra Modi et du ministre de l'Intérieur Amit Shah qui en dit long.

Tout cela conduit à nouveau à cette conclusion : le gouvernement dirigé par le BJP est responsable de trois jours de violence à Delhi.