L'art de la joie comme l'insurrection dans nos rues. Par Tieri Briet

 

San Bernardo, Région métropolitaine de Santiago, Chili : “Qui ne saute pas est un policier!” “Nos van a atacar por creer en una esperanza, Nos van a intentar quebrar pero nunca podrán contra nuestra alegría y rebeldía.” Ils vont nous attaquer parce que nous croyons en une espérance, ils vont essayer de l’éteindre, mais ils ne pourront jamais rien contre notre joie et nos rébellions !”

 

Et maintenant forcément qu'on saura. On risque pas d'oublier qu'ils sont prêts à tuer, à mutiler et à emprisonner pour garder leurs pouvoirs. Pour continuer leurs truanderies entre complices ils pourraient même massacrer nos enfants, tirer en plein visage de la jeune femme qui tient une caméra. Pire que des hyènes, ils sont prêts à écraser la gueule de ce vieil homme parce qui est revenu pour hurler sa colère lui aussi.

Par contre eux ne savent pas, pas encore, qu'on écrira aussi l'anti-poème de leurs désastres. Qu'on en fera même des chansons et qu'on ira forcément les chanter dans les rues face aux armes, juste en face des blindés s'il le faut parce qu'eux vont dégager et quitter leurs palais, à Paris. Qu'on est des enfants d'émeutiers et qu'on joue pas avec le feu des injustices.

Eux n'ont pas encore appris qu'il suffit d'une seule main pour écrire le récit de leurs crimes. Que nous sommes des milliers de mains qui n'arrêtent pas d'écrire, et qu'on trouve n'importe où des stylos, des pinceaux et la fièvre qu'il faut pour raconter et reconstruire. Tant pis pour eux parce qu'on n'arrêtera pas. Qu'on va continuer d'écrire à mains nues dans les rues, sur les affiches, dans les cahiers ce qu'on a vu, ce qu'on a écouté et même imaginé pour en finir avec l'acharnement qu'ils mettent à matraquer nos refus.

Tant pis pour eux. De toute façon on pourra pas s'empêcher de continuer. D'écrire encore contre leurs manigances. Pour raconter leur sale violence de prédateurs quand ils rentrent en panique. En plus écrire on adore ça, raconter l'immense beauté des luttes et la laideur démesurée des répressions. Le bordel absolu des révolutions en chantant, c'est ma spécialité alors tant pis si à la fin ça les énerve, j'irai écrire à la main dans la rue jour et nuit, juste par amour de l'écriture et pour la joie des vraies révoltes.

L'art de la joie comme l'insurrection dans nos rues.

Tieri Briet

Né en 1964 dans une cité de Savigny-sur-Orge où il grandit à l'ombre d'une piscine municipale, Tieri Briet vit aujourd'hui à Arles, au milieu d'une famille rom de Roumanie dont il partage la vie et le travail. Il a longtemps été peintre avant d'exercer divers métiers d'intermittent dans le cinéma et de fonder une petite maison d'édition de livres pour enfants. Devenu veilleur de nuit pour pouvoir écrire à plein temps, il est aussi l'auteur d'un récit sur les sans-papiers à travers les frontières, « Primitifs en position d'entraver », aux éditions de l'Amourier, de livres pour enfants et d'un roman où il raconte la vie de Musine Kokalari, une écrivaine incarcérée à vie dans l'Albanie communiste, aux éditions du Rouergue. Il écrit pour la revue Ballast, Kedistan et L'Autre Quotidien, et voyage comme un va-nu-pieds avec un cahier rouge à travers la Bosnie, le Kosovo et la Grèce pour rédiger son prochain livre, « En cherchant refuge nous n'avons traversé que l'exil ». 

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