Ils pourront toujours suspendre le droit de manifester...

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Ils pourront toujours suspendre le droit de manifester. Pour moi, cela ne changera rien. Sitôt que je mettrai le nez dehors et poserai le pied sur le pavé d'un trottoir ou sur le goudron d'une chaussée, j'exige d'être tenu pour un manifestant. Si l'on me fouille, on ne trouvera sur moi ni armes par destination ni matériel de protection. Je ne porterai pas de cagoule, au pire une casquette. Je ne serai pas en noir, on connaît mon amour des couleurs. Je ne porterai pas de gilet jaune non plus, je n'en ai même pas un chez moi. Je ne casserai aucune vitrine. Je ne pillerai aucun magasin de luxe. Je ne brûlerai aucun kiosque. Je n'incendierai pas le Fouquet's, je n'y mangerai pas non plus d'ailleurs. Je n'insulterai personne. Je ne lancerai aucun projectile. Je n'écrirai aucun slogan sur les murs. Je n'en crierai aucun. Je serai parfois accompagné. Je serai souvent seul. Et pourtant, chaque pas que je ferai, où que je le fasse, si timide et si discret qu'il soit, sera un pas de manifestant. Je manifesterai comme l'on respire. Et sauf à m'empêcher de respirer, je ne cesserai pas de manifester. Je veux bien alors qu'on m'arrête. Je veux bien alors qu'on me poursuive. J'avoue, je plaide coupable: je suis un manifestant né. Je n'ai que trois revendications. J'exige la justice sociale. J'exige la rupture écologique. Et j'exige que les forces de l'ordre ne soient là que pour me permettre de manifester en toute sécurité. À l'abri des LBD et des grenades, comme à l'abri des casseurs. Vous pouvez partager. Devenez mes complices.

Jean-Christophe Attias, le 18 mars 2019

Historien et philosophe français du judaïsme, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, titulaire de la chaire «Pensée juive médiévale».

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