Kanaky libre et indépendante !

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Le non à l'indépendance l'a emporté dimanche en Nouvelle-Calédonie avec 56,4% des voix contre 43,6% pour le oui lors d'un référendum d'autodétermination. néanmoins, avec un chiffre record de participation (80,63%), et beaucoup plus de votes pour l’indépendance qu’annoncé depuis des mois par les instituts de sondage, qui n’auront visiblement pas suffi à décourager les kanaks d’aller voter, l’heure n’est pas au triomphe pour les partisans du rattachement à la France, qui voient bien que rien n’est réglé. les partisans de l’indépendance réclament donc - et ils ont raison - qu’on applique à la lettre les termes de l’accord sur l’avenir de la nouvelle-calédonie, qui prévoient la tenue de deux nouveaux référendums dans les années qui viennent.

Notes de la veille et de ce matin.

3XI /2 La cause de Kanaky paraît à la veille (au jour) du scrutin perdue, désespérée. Connaissant quelques Kanak, je sais qu’ils ne lâcheront rien, comme on dit ici. Le référendum qu’ils vont perdre ne changera pas le désir de reconnaissance à l’oeuvre dans la demande d’indépendance. Le non à l’indépendance est une approbation du fait colonial. Les Kanak indépendantistes savent — et croient aussi — que ce destin de colonie n’est pas immuable. Au fait d’avoir été colonisé, il n’est de réponse autre que l’indépendance ou l’insoumission. Ce qui fait qu’on s’accroche à un principe, une idée, un programme, c’est l’évidence criante d’une injustice. Comme cette injustice n’est pas un instant qui passe, mais une durée qui s’éternise, alors “on a raison de se révolter”. 

4XI/2
. Attente très commentée aux radios du résultat du référendum en Kanaky. Le piège colonial le plus raffiné de l’histoire moderne est en train de se refermer sur les Kanak. L’indépendance est calomniée. On l’a faite menaçante et non “normale”. Égoïste et non ouverte. Tout le contraire de ce qu’ont construit les militants du Palika. Le désir d’indépendance ne concerne pas les seuls individus : la dimension collective — en elle-même toujours conformiste et quelque peu aliénante — peut être source d’une forte demande d’indépendance, pour paradoxale qu’elle puisse paraître. Retrouvant leur indépendance en se “séparant” de la puissance coloniale, les Kanak, collectivement, retrouvent des qualités peu visibles : la dignité, la responsabilité, le faire-face. Tout le contraire d’une situation de confort. Les plus précaires, les minorés, les méprisés aspirent sans doute au confort, mais pas à l’indignité. Ce qu’Axel Honneth nomme “reconnaissance” et dont il fait un levier politique est ici exactement ce qui est en cause. Les Kanak demandent une reconnaissance qui doit passer par des actes. La charge en est au colonisateur. C’est ce que les Caldoches, porteurs d’une autre histoire et souvent acharnés destructeurs des tribus, ne veulent pas comprendre, que l’indépendance, c’est à eux d’y sacrifier, de s’y faire et de s’y plaire. Alors que tout cela s’est passé des décennies durant selon une tout autre logique, celle de la domination et de la lutte à mort. Et les morts furent là pour le rappeler sans cesse. La démarche de la France à la fois colonisatrice et décolonisatrice évoque pour moi une forte ambiguïté : comme si ceux qu’on avait privé d’eau et qui ont soif devaient en passer par un vote impliquant leurs assoiffeurs pour obtenir le droit de boire.

Jean-Louis Comolli