Histoires de ceux qui n'existent pas, ou le non accueil des mineurs venus d'ailleurs, 5. Par Agathe Nadimi

8 mai 2017

Marcher, marcher, marcher, escalader les montagnes, s'accrocher aux rochers, ne pas regarder le vide, sauter, trembler, marcher, marcher, marcher, suivre la ligne de chemin de fer, avancer, s'éloigner, marcher encore et encore, suivre la ligne de chemin de fer qui mène à une frontière, se cacher, retenir son souffle, courir, courir, s'arrêter pour se cacher, repartir, marcher encore et encore, courir, tomber de fatigue, repartir, suivre la ligne de chemin de fer, traverser, 1,2,3,4,5,6,7... frontières: Afghanistan, Iran, Turquie, Bulgarie, Serbie, Hongrie, Autriche, Allemagne... 
tomber, craquer, pleurer, 
se relever, remarcher, y arriver. 
Te voilà enfin arrivé.
Au bout du chemin, il y a toujours une petite maison. 
Souffler, respirer, parler, se poser, prendre un thé, dessiner... 
merci de m'offrir ton sourire et tes rires. 
Respect.

Agathe

7 mai 2017

Je ne suis pas contente, je ne saute pas au plafond... 
je n'ai plus d'illusion. 
J'ai voté pour ceux qui m'ont demandé de le faire parce qu'ils avaient vraiment peur que ça soit encore pire. 
Au fond de moi, je me demande bien comment ça pourrait être pire parce que je me rappelle de chaque jour de pluie et de chacune des nuits de grand froid, de chaque jour de canicule au plus près des pots d'échappement.
Je n'oublierai jamais. 
Comment pourrais-je sauter de joie ce soir ? 
J'ai vu défiler des bébés, des gamins, des ados venus seuls jusqu'ici sans famille dormir sur les trottoirs, j'ai vu l'enfer dans mon pays, j'ai vu la violence gratuite, la haine et l'indifférence chaque jour. 
La première photo a été prise ce matin à porte de la chapelle, il a 16 ans est épuisé et dort dans cette tente au milieu de l'horreur. 
Elle m'a été envoyé par le gamin qui appelle à l'aide. 
Monsieur Macron, peuvent-ils se réjouir ce soir ? 
Ils se sentent tellement soulagés.

Agathe Nadimi, le 7 mai 2017

Enseignante et mère d’un adolescent de 14 ans, Agathe Nadimi a été touchée par l’histoire des migrants qui vivaient dans un camp de fortune à la station de métro Stalingrad à Paris, en 2016. Citoyenne solidaire, elle leur vient en aide depuis plus d’un an. Histoires de ceux qui n'existent pas, ou le non accueil des mineurs venus d'ailleurs, sa chronique dans L'Autre Quotidien, raconte cet engagement.