Histoires de ceux qui n existent pas, ou le non accueil des mineurs venus d'ailleurs, 1. Par Agathe Nadimi

Qu'est ce que je suis en train de faire là ?
Qu'est ce qu'il me fait faire ce système pourri ?

Obliger un gamin qui a peur de se faire repiquer et de risquer une nouvelle hospitalisation à rester dans un hôtel pourri alors que demain il sera sûrement remis dehors avec une lettre de refus de toute protection qu'il n'a même pas ? 

A. 17 ans qui en parait 14 a été hospitalisé 15 jours a cause d'une allergie qui lui a créée une infection bactérienne liée aux multiples piqûres de punaises de lit... 15 jours d'hôpital quelques nuits après son arrivée à Paris. 

A. A ensuite été mis dans une autre chambre du même hôtel mais dans la partie refaite sans punaise avec le minimum d'attention parce que quand même ça craint... 

A. Se remettait doucement, il a eu son entretien d'évaluation et il est invité comme tous les autres à revenir chaque jour pour récupérer sa décision qui n'est jamais prête.

Et puis hier, sans aucune raison, sûrement à cause de l'immense désorganisation et la négligence de l'institution, il a été délogé vers le pire hôtel infesté de punaises de lit ( la bienveillance n'étant pas habituelle elle ne pouvait être que de très courte durée...)
Hier soir, il m'a appelé en découvrant les lieux et il m'a dit "hôtel not good i can't stay here, why they change me, i will be sick again...", comme on se comprenait mal, il m'a passé le gentil type qui travaille pour FTDA en train de faire sa permanence pour vérifier la rooming liste et pour distribuer la ration de tickets de métro et de bons pour le repas du lendemain au restau populaire. 

Je n'ai rien eu besoin de dire, puis j'ai expliqué le cas de A.
Il m'a dit que c'est un énorme bazar, qu'il ne comprend pas ces changements d'hôtels, ces renvoies de jour en jour pour aller chercher les décisions, les listes qui du coup ne sont pas mises à jour (certains ne sont plus sur les listes alors qu'ils n'ont toujours pas leur décision... ). 
Il est comme moi, je dis que je sais tout cela, ensemble nous constatons. 
Il comprend que je veux juste savoir s'il sait si le gamin figure sur la liste de décision du lendemain pour pouvoir l'orienter si besoin, que je le connais pour l'avoir croisé de nombreuses fois vers le Demie (DISPOSITIF D'EVALUATION DES MINEURS ISOLES ETRANGERS) et qu'il est fragile suite à cette hospitalisation.

Ce soir, A. Ne veut pas retourner dans cet hôtel, et je suis en train de lui dire d'y retourner... 
- "But tonight I'm sleeping out because I would not get sick
Out good for me because I do not get sick but it is not because i like to sleep out..." 
- "I really understand but you have to go back at the hotel
It's better if you go to the hotel to ask to change, if you give the phone i can try to help explain again to the man" 

L'aide sociale à l'enfance osera t elle le remettre dehors définitivement après n'avoir su lui offrir qu'un séjour dans les hôtels infestés et à l'hôpital ou saura t elle se rattraper ? 
C'est pas 3 fumigènes, quelques changements pour brouiller les pistes et quelques menaces infondées qui vont m'arrêter pour A. Et pour tous les autres.

Hier, je répondais à leurs "merci beaucoup " que j'ai honte de mon pays et que j'essaie juste d'apporter un peu de mieux, de raconter pour faire si cela est possible, changer les choses...

Agathe Nadimi

Enseignante et mère d’un adolescent de 14 ans, Agathe Nadimi a été touchée par l’histoire des migrants qui vivaient dans un camp de fortune à la station de métro Stalingrad à Paris, en 2016. Citoyenne solidaire, elle leur vient en aide depuis plus d’un an. Histoires de ceux qui n'existent pas, ou le non accueil des mineurs venus d'ailleurs, sa chronique dans L'Autre Quotidien, raconte cet engagement.