Corps morcelé 1 - Laid trouvé sur I.B.

Passé la porte d’entrée, le goulot du couloir qui bute sur le panier débarras… A gauche, ouverte la chambre avec store baissé. Grenier à tableaux laids, beaux et puis… Un meuble à tiroirs, à papiers, à tout et rien, encombré de livres et bougies.  C’est déjà trop, mais à un mètre vingt de hauteur.

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En face, à gauche, le lit assez bas, en son milieu défoncé, un lit à frissons multiples ; et à côté, un encensoir, cachets pour la tête, le sommeil, de l’eau, des livres à lire, à délire et des mouchoirs. L’olive de la lampe, un cendrier vidé. On ne sait jamais. La radio, un briquet pour les bougies alentour(s).

Au pied du lit, en hauteur, un halogène recyclé porte-tout. Et le meuble chinois rouge et noir. Le chat blanc peureux qui s’y calfeutre en refermant derrière lui. Au centre, face à la fenêtre, la table pour le Mac avec sa chaise reposoir à fringues. Un genre de cellule monacale, un genre de monomanie, à usage unique donc. Mais réitéré.

Pour le reste, il faut être allongé sur le lit pour en profiter pleinement : des guirlandes entourent la pièce, à lumières colorées et alternées. Juste au dessus du lit, en ciel, le restant d’un rêve de partage. Une étoile. Et du lit ?

Que s’est-il donc passé de marquant là dessous… (Enter Sandman !) Peut-être quelques moments d’accointance, instants volés au vide en toute bonne fois. Un  sourire a fleuri, un sourire horizontal, effeuillé comme un cul offert sans apprêterie, sans recul. Dans le moment, avec une pensée comme un anneau qui s’ouvre en saccade, à l’avale, entre deux fesses qui disent merci en croix. En haut, le  sourire, en bas, le plaisir, comme séparés … disjoints. Car de plaisir s’il y en a, c’est chimique dira la dame. C’est juste les molécules qui s’agitent. C’est l’ananée de l’ananas, c’est l’anananée de la molécule, de l’ange qui circule, des sensations anales qui s’annulent, mais restent dans les annales. Marquées, marquantes ; soubresautantes. De mur à mur les soupirs qui divaguent, de cœur à corps, les je t’aime en vague. Se perdre de se donner tant et s’y perdre de s’y retrouver autant. De bonjour nouvel amour, sans savoir à qui appartient cette peau, cet endroit-là, ce moment-ci qui décolle dans un cri avec cet élan-là qui file droit dans l’autre. Sans cesse différent, sans participer au temps des autres. L’invention d’un nous par la découverte de la soie, l’en soi pour joie… Ce lit devient un porte-loin pour  l’arithmétique des sueurs dans la géométrie quantique. Holà chérie, j’ai vu un trou noir, comme aspiration. Super nova d’inspiration, big bang de connivence. Et là, soudain tout s’arrête… 

Non s’il te plaît, laisse-moi, arrivée à ce stade, je n’existe plus. J’ai besoin de me retrouver et réintégrer les limites de mon corps. Comme si la mort était juste là, je ne m’aime pas assez pour rester avec toi, pas assez confiance à ce moment précis… Ma belle, nous venons de traverser le big bang, à jamais différent de ce que nous étions avant et tu … ? Comment couler dans l’apesanteur, fuir dans le vide qui nous porte ?  Nous venions d’imploser l’un à l’autre, et de cette somme autrement agencée, tu veux faire un somme ? T’oublier, revenir à l’avant de la lévitation.  Le dernier mot proféré, la belle dort et je reste bizarrement double à la regarder s’oublier dans le sommeil. Vol en duo, endormissement à l’emporte-pièce dans la lueur du petit jour qui pointe au bruit hydraulique des poubelles. Au delà de ce qui s’est passé, inventé, subjugué, transmuté, le refus de ce qui est advenu. La mariée mise à nu par ses célibataires même…  ( I should have known better)

Jean-Pierre Simard le 28/08/2011