D’Alan Kurdi à Denko Sissoko, les ravages mortels d’une politique migratoire inhumaine

Denko Sissoko

Denko Sissoko

Tout le monde a dans les yeux le petit corps d’Alan sur une plage de
Turquie le 2 septembre 2015. Vendredi 6 janvier 2017, c’est à
Châlons-en-Champagne, sur le bitume du trottoir, au pied du foyer Bellevue,
foyer d’accueil des Mineurs Isolés Etrangers, que le corps sans vie du
jeune Denko âgé de 16 ans, a été ramassé. Selon ses amis, il venait de se
jeter du 8ème étage pour échapper à la police dont il pensait qu’elle
venait le chercher.

L’un était Syrien, l’autre Malien. Leurs points communs ? C’étaient des
enfants qui avaient fui un pays dans lequel ils n’avaient pas d’avenir pour
vivre en sécurité ici au terme d’un voyage difficile. Tous deux viennent
grossir le nombre des victimes innocentes de la politique migratoire
inhumaine orchestrée par les institutions de notre pays et de notre
continent.

Il était arrivé en France en octobre 2016, après un voyage long et
périlleux en partance du Mali en passant par la Libye et l’Italie ; il
aimait rire, bavarder, écouter de la musique africaine. Il a attendu 1 an
et demi en Italie de réunir l’argent nécessaire pour rejoindre la France.
C’était son vœu. Hélas ! Il a encore attendu 2 mois et demi à Châlons dans
les services de la protection de l’enfance qu’on l’évalue puis qu’on lui
signifie que sa minorité n’était pas reconnue et qu’il ne serait pas pris
en charge. Il l’avait appris la veille. Ne sachant pas où aller, il
n’aurait pas voulu quitter le foyer. Dans ces cas-là, la police est
sollicitée…

Ses camarades sont formels : Denko n’était pas malade, ni drogué, ni fou.
Son geste n’est pas celui d’un dépressif. Ce n’était pas non plus un
criminel, ni un malfrat, il n’avait rien à se reprocher. Il s’est jeté du 8
ème parce que, comme un jeune de 16 ans, moralement très structuré et qui
a, en outre, assimilé l’impératif et la mission de réussir en France, il
n’aurait pas supporté l’idée humiliante qu’on vienne l’arrêter et le mettre
en prison.

Ce drame met en lumière la tragédie que vivent ces jeunes étrangers livrés
au tamis de l’évaluation et de la pression institutionnelle, maltraités,
suspectés, dénigrés, parce que la France ne veut pas les accueillir. L’Etat
se dédouane de ses responsabilités, les conseils départementaux trient et
rejettent par souci d’économies budgétaires. Les jeunes se retrouvent à la
rue, errent de ville en ville, sans avenir, et ils en meurent. Et même
quand ils sont pris en charge, l’accompagnement est insuffisant, la
suspicion continue et l’angoisse du lendemain n’est jamais levée tout à
fait. L’Etat et le Conseil Départemental sont coupables de non-assistance à
jeunesse en danger.

Ils espéraient d’autres horizons. Nous espérons pour eux d’autres
perspectives, ils ont franchi des mers et leur maturité, leur courage, leur
volonté de vivre ici, sont déjà un cadeau pour la France !

L’heure est à la peine pour tous ces jeunes venus d’ailleurs qui ont
assisté au drame, et nous partageons leur deuil.

RESF Châlons-en-Champagne
(contact presse : Marie-Pierre BARRIERE 06 79 50 29 87 / Catherine TANGUY
07 76 79 45 10)