No viticulture, no future ?
Le village viticole de Couchey, situé entre Marsannay la Côte et Fixin, à 7 km de Dijon, capitale de Bourgogne, accueillera le week-end des 28 & 29 janvier 2023, les manifestations de la 79e édition de la Saint-Vincent. Pour nous y préparer, nous avons rencontré six viticulteurs de Couchey, ouvriers du paradis, dont la tâche est quotidienne, souvent rude, physiquement.
Saint-Vincent est le Patron des Vignerons; sa fête donne lieu, au moment du repos de la vigne, fin Janvier, avant le Carnaval et le Mardi Gras, et avant le printemps, aux réjouissances, à la Joie, aux processions qui vont le parcourir, dès l’aube. Une messe ouvre les festivités : Saint Vincent protège la vigne et les vignerons. il est le Saint Patron, à qui l’on fait doléances et remerciements. Il est au cœur de la nuit hivernale, une promesse de regain et de fête. Son message est de Paix glorieuse et d’Amour.
Couchey est un charmant village viticole où nos viticulteurs restent très attachés à la notion d’expression droite et juste de leurs terroirs, à l’organique attention qui les guide dans la culture de leurs vignes et à l’élevage de leurs vins. Toute une pratique vérifie une conscience aigüe des enjeux environnementaux et du rôle primordial du viticulteur dans sa façon d’appréhender les vins dans les terroirs qui les ont vu naître…
La commune de Couchey, n’a pas d’appellation Village propre, elle se range sous celles génériques des Bourgognes et pour les appellations Village, sous l’appellation Marsannay, seule appellation en Bourgogne, à produire les trois couleurs, dont le célèbre Rosé de Marsannay.
Cette Saint-Vincent 2023 proposera à la dégustation sept cuvées dont un Marsannay rouge Champs Perdrix 2017, un Marsannay village rouge 2016 et 2017, un Marsannay blanc et un Bourgogne Aligoté 2018 et 2020, un Marsannay Rosé 2022…. Jugez du peu. un sérieux programme s’annonce. Lire l’article consacré à leurs dégustations sur https://www.terredevins.com/actualites/saint-vincent-2023-a-couchey-les-7-cuvees-devoilees
L’appellation Marsannay commence à Chenôve, (les Montrecul) banlieue sud de Dijon, couvre Marsannay, pour finir entre Couchey et Fixin. Les vignes courent entre la route départementale des Grands Crus et les coteaux, pour s’étendre après le vieux village de Marsannay jusqu’à la route nationale. Sont produits ici, à partir des cépages chardonnay et aligoté, les bourgognes blancs. Le Pinot noir est le cépage royal des vins de bourgogne dans la couleur Rouge.
Contrairement à une idée assez répandue, les vins comportant la dénomination Bourgogne, Bourgogne Aligoté, Bourgogne Pinot Noir, Bourgogne blanc restent très accessibles financièrement pour des vins d’appellation. Les Chambertins, en voisins renommés, sont les barons ô combien reconnus de cette Côte de Nuits, situés à seulement 4 kilomètres du village de Couchey. Leurs ombres parfois chagrinent et leur proximité fait tout de même ambassade mondialement. Les cuvées de la Saint-Vincent seront à l’honneur. Elles sont le témoignage de l’excellence, une marche vers plus de reconnaissances.
Tous les vins, produits sur la commune de Couchey, dans l’appellation bourgogne ou Marsannay (appellation village) sont d’une belle qualité. Vins de propriétaires, ils sont faits consciencieusement dans l’amour, le respect du Vivant, la maîtrise de l’élevage, pour produire des vins concentrés, précis, aux arômes de cassis, griottes, fruits rouges, pour les rouges, les blancs exhalent des arômes de fleurs blanches, d’agrumes, une pointe de citron, bouche ronde, grasse, fluide, minérale, et pour les rosés des arômes de miel et de bonbons anglais, (bouche parfois légèrement fumée) sont présents selon les domaines; tout cela est dû à la qualité des sols, argilo-calcaires, marneux également et à l’élevage.
« L’intense fracturation de ces alternances argilo-calcaires a composé une véritable mosaïque géologique. Mais au-delà de la nature du sol, l’altitude, la pente et l’exposition au soleil et aux flux d’air marquent la personnalité de chaque parcelle. Quatorze des 78 climats de l’appellation font aujourd’hui l’objet d’une demande de classement en Premier cru. C’est le cas de Champs-Perdrix, l’un des plus hauts lieux-dits de la Côte de Nuits, situé au sud de l’AOC, en haut du coteau viticole (306 à 385 mètres d’altitude) et exposé à l’est, sud-est. Dans la partie la plus haute, les sols sont composés d’oolithe blanche et de calcaire de Prémeaux. Les calcaires de Comblanchien et de Dijon-Corton constituent l’ossature de la partie la plus pentue. » écrivait La Revue du vin de France dans son numéro 594.
J’ai rencontré les six viticulteurs de Couchey, ouvriers du paradis, toujours amènes et souriants, alors que la tâche est quotidienne, souvent rude, physiquement. La terre est bonne mère, mais demande compréhension, travail, attentions, respect des isotopes, sans entrants ou le moins possible, pour donner le meilleur d’elle même, sols et plantes sont ici les matrices des vins qui viendront par l’élevage, jusqu’aux tables des gastronomes.
Ces vigneron(ne)s étaient à la vendange, lors de ces reportages de Septembre, sous un soleil chaleureux.
Denis Fournier, président du Comité de la Saint-Vincent partage l’organisation de cette Saint-Vincent avec Pierre Derey , ses trois fils, Pierre-Marie, Romain, Maxime, Ghislain Kohut, Marie-Odile et Thierry Barcon, pour le domaine Clemancey, Philippe et Yohann Robert, père et fils, Guillaume et Julien Sirugue, dans une belle émulation. Tous, sont gens de bien et de savoirs ; une passion commune les anime, l’expression la plus droite et la plus juste de leurs terroirs, pour des vins authentiques. Ici, peu de vins techniques ajustés aux marchés, mais de fringants jeunes hommes à la maturité assurée, et de bien belles découvertes en ces vins qui jouent avec le palais…. histoire de fêter la vie.
La Saint-Vincent est une fête laïque aux fondements religieux. Les vins, le village et les viticulteurs sont à l’honneur, ce jour-là. Elle représente, cependant, un investissement financier important, alors que plusieurs récoltes successives ont fragilisé les domaines, ces dernières années. On a beaucoup parlé du gel du printemps 2021 et des bougies installées à la nuit dans les vignes; le résultat en fut la perte souvent de plus de la moitié des rendements, voire pour certaines vignes, beaucoup plus. Il semble que Saint-Vincent, pour cette vendange 2022, ait accordé à nos amis viticulteurs, en cette Côte de Nuits, le bonheur d’une belle récolte, en qualité et quantité… afin qu’ils puissent respirer, regarder plus sereinement l’avenir. La Côte de Nuits est un terroir fragmenté en une myriade de petits propriétaires, dont les domaines comptent en général moins de 10 hectares.
La Saint-Vincent 2023 n’échappera pas à ses devoirs. La coutume veut que les Viticulteurs ouvrent leur caveau pour servir en dégustation des vins dans les appellations Village qui ont été spécialement vinifiés pour l’occasion, dont cette année, une cuvée Marsannay Champs Perdrix, emblématique de la région. Le village va connaître, sur ce week-end, un afflux de populations, dont les manifestations traditionnelles, comportant la procession du Saint-Vincent, à travers le village et la messe idoine. Il y a là un rituel assez chaleureux, dans la demande des protections au Saint pour de bonnes récoltes. Tout cela en habit, en musique et en cœur, dans une euphorie de communiants. La Saint-Vincent consacre les vins de qualité et leur esprit prodigue, ce « spiritus », souffle qui est aux fondements du Vivant.
Pour prendre de la hauteur et respirer plus librement, on peut, à partir du village de Couchey, suivre les chemins de vignes, alentours, soit se diriger au Nord, vers Marsannay, soit prendre la direction du Sud vers Fixey, Fixin, Brochon, Gevrey-Chambetin, à seulement quelques encâblures.
La promenade est enchanteresse, défilent sous le pas nombre de clos et de terroirs fameux, il est bon, en connaisseur d’avoir au préalable avec soi la carte précise de ces clos, afin de voir ces vignes dans leur environnement et respirer cette terre mouillée, ocre parfois, de s’enchanter des noms des clos, dans ce parlé ancien, vernaculaire et de les laisser chanter en soi la poésie qui s’y réfracte.
Cette promenade à pied ouvre l’appétit, légitime, dans ses rapports d’inspiration, la dégustation, quand le corps des vignes se joint au vin blanc, né ici, terre sainte direz-vous, et vous aurez raison… l’aligoté, le Chardonnay, le Pinot blanc, donnent ces vins à l’or tendre, à bonne température, frais, ils deviennent magiques, élixirs, alors qu’ils captent dans leurs reflets, l’œil gourmand qui admire, le vin tournant d’un mouvement sinistrogyre *; ici, des arômes de tilleul, de fleur blanche, d’agrumes, une pointe de citron, dans un corps fluide ample, légèrement sauvage, minéral et gras, dans une tension qui met en mouvement cette bouche délicate et accorte; une langue claque comme un claquement de doigts, sonne… tout s’enchante, nous sommes entrés en religion, voilà l’effet des bourgognes… la botte secrète des terroirs. Ce bourgogne blanc est parfait pour l’ apéritif, il danse dans le verre, égaie, allège, adoube, prépare au déjeuner des spécialités locales, coq au chambertin, bœuf bourguignon, précédés d’ escargots, de jambon persillé, suivent ensuite les divins fromages, Époisses, Cîteaux, Soumaintrain, Ami du Chambertin, Charolais. puis le gâteau bourguignon et les pains d’épice… Tous ces plats autorisent des mariages sensuels avec les vins qui les accorderont parfaitement à la couleur du temps et à l’humeur du Bien Vivre.
Comment ne pas se réjouir d’une telle table, présente à la Cité Internationale du Vin et de la Gastronomie, sise à Dijon, en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité… ce qui a fait et continue de Faire Civilisation.
La Cité Internationale de la gastronomie et du vin a été crée à Dijon, dans cette dynamique, pour faire rayonner ce patrimoine, dans une appartenance à la Civilisation et à son Art de Vivre, arts de la table, gastronomie, œnophilie, arts liés au travail du vigneron, dans la culture de sa vigne et dans l’élevage de ses vins… Ici, l’homme s’est toujours pensé libre de Vivre au plus prêt du jeu des partitions musicales qui accordent par résonances l’art de la Cuisine à celui du Vin, c’est la Gastronomie que tous les pays nous envient…
https://www.citedelagastronomie-dijon.fr/
* sinistrogyre: anti horaire, il semble que par ce geste qui fait respirer le vin, on remonte le temps, mécanique poétique sensible de son privilège, le temps se dévide pour devenir nez, odeurs, parfums, puis saveurs…)
Au cœur du processus civilisationnel , il y a bien sûr les civilisations plus nordiques de la bière mais celles du Vin sont déjà solaires, sous les climats de la Méditerranée et de la prédominance de cette identité gallo-romaine, puis par cette civilisation médiévale qui fit la Bourgogne Romane. La Bourgogne, doit beaucoup à son passé prestigieux, à son Histoire, à cette identité, d’où, sans doute, en raison des terrains à la déclivité parfaite, à la bonne exposition, au bon encépagement et à cette tradition monastique. Qu’on pense aux subtilités de nos Vougeot et Chambertin, à nos Champs Perdrix et Hervelets, comme nous pensons à ces abbayes, et cathédrales. L’histoire des Grands Crus de Bourgogne est déjà Cistercienne. Ce sont les moines qui au début du millénaire développèrent le vignoble. Dijon, la ville au cent clochers, capitale puissante et riche avec ses Ducs, dit, d’une certaine façon, la manière dont l’Histoire a fait ces villages et leur église. Quelque chose de l’excellence et de spécifique a fondé, en ces climats, ces clos et ces vignes, l’exception culturelle, inscrite désormais en lettre d’or aux frontons de la civilisation occidentale, dans un art du Bien Vivre.
«La vigne nous parle, elle entretient notre mémoire, la vigne nous cultive autant que vous la cultivez, la vigne nous apprend à vivre. » déclarait le Chanoine, qui officia, à Puligny-Montrachet, pour l’édition de la Saint-Vincent 2022, déclarant: de plus «Il est de notre devoir dans nos climats de goûter combien il est bon d’être frères et de vivre ensemble ; cette fraternité inscrite dans l’Évangile mais aussi sur les frontons de nos mairies nécessite un engagement de vie, nul n’est frère s’il ne travaille au bien commun. N’oublions jamais que la paix a sa source dans le bien commun auquel chacun doit prendre part». source infos-dijon.com
Daniel Fournier, Président du comité d’organisation, ainsi que Gilles Carré, Maire du village, les vignerons de Couchey préparent, dans cette continuité psychologique, conjointement avec la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, ces manifestations importantes, puisque’ une première estimation serait de 30 000 visiteurs sur deux jours, manifestation à organiser avec le préfet, pour des raisons de transports, de sécurité, entre autres. Quoiqu’il en soit 13 000 bouteilles sont prévues et dévolues aux dégustations, de quoi réjouir nombre de dégustateurs dont l’intention bachique, rejoint les vertus des bons vins, généreux et nobles, essaimant dans cette formule latine « bonum vinum laetificat cor hominis », (le bon vin réjouit le cœur des hommes), toutes les vertus œcuméniques pré-citées.
Pourtant, entre célébrations de la Saint Vincent et sérieuses dégustations en série, le Comité veut faire de cette Saint Vincent une fête familiale, sans débordement, en retenue, conviviale, ce qui n’empêchera personne de communier avec les crus choisis à la dégustation dans les trois couleurs… et de s’en trouver honoré et en joies, dans la belle retenue de l’homme, maître de ses passions.
Alors les 28 et 29 Janvier, Que Vive Saint Vincent…!!!
Texte et Photographie: ©Pascal Therme le 28/11//2022
Toutes les informations pratiques sur le site officiel