L'AUTRE QUOTIDIEN

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Saturne débarque dans le 9.3 sous l'égide de Sun Ra, mais pas que … 

Pour sa 41e édition, Banlieues Bleues s’installe un mois dans le 9.3 pour porter la parole et les sons des artistes qui reconfigurent l’idiome jazz dans sa multiplicité et sa diversité. Des mots qui, sur la lucarne cathodique ont laissé place aux aboiements des drama queens hors sujets. Y retrouver les nouvelles expériences et les confirmations d’artistes méconnus - ou presque, sera un bonheur démultiplié. Exemples suivent.

Sun Ra – dessiné par l’artiste Narco (Nueve Arte Colombiano) – revient, pour ensoleiller l’affiche de cette 41e édition de Banlieues Bleues, un festival où il était venu en personne (en 1991) avant d’y être fréquemment célébré. Avec ses capes rutilantes, ses couvre-chefs de pharaon, ses Arkestras aux rituels spectaculaires, celui qu’on surnommait « le prophète du jazz moderne » suscitait immédiatement l’étrangeté, l’altérité. Sa musique, un be-bop funk à la beauté mystérieuse, presque métaphysique, évoquait l’afro-futurisme tout en s’inscrivant dans la longue lignée de la conscience artistique et politique afro-américaine, libre et révolutionnaire. Comme l’écrivait un spécialiste du genre, le poète Amiri Baraka, « Sun Ra utilisait la musique comme un langage, une image » : tel un « philosophe musicien, il usait de la bizarreté pour nous inciter à nous servir de l’ouverture d’esprit comme intelligence ». Car sa vision héliocentrique dressait un constat sans appel : « notre monde est primitif, déjà révolu, ses pratiques et ses croyances sont incultes, sauvages, destructrices ».  Voilà pourquoi il avait choisi de voyager dans l’espace-temps, puis était revenu, de Saturne, seulement pour nous dire qu’il était parti. « J’ai été envoyé ici pour aider les gens. Ma mission est d’essayer et de sauver cette planète condamnée ». Un manifeste poétique et politique qui semble repris aujourd’hui, chacune et chacun à sa façon, par bien des artistes de cette édition.

Les droits reculent de partout, mais l’IVG vient enfin d’être introduit dans la Constitution. ALors, pour la journée internationnale des droits des femmes, programme en féminin majeur à la Fac de Saint-Denis. Aubaine, si vpous vous y prenez maintenant, c’est gratuit ne réservant sur sur banlieuesbleues.org. Vouspourrez assister aà la table ronde Table ronde : Sexisme et inégalités de genre dans la musique, quelles réponses concrètes ?, puis vous égayer dans les couloirs pour découvrir un programme copieux avec le trio de Sophye Soliveau. Harp & soul, tel est l’univers de Sophye Soliveau, jeune harpiste et chanteuse ancrée dans l’univers de la « Great Black Music » d’aujourd’hui, qui présente en trio les compositions de son premier album, Initiation. Ensuite, Cleo Reed & The Black American Circus .Voici une jeune créatrice intrépide qui révèle la face lumineuse du futur de la musique.. Un futur onirique, fourmillant d’idées, à la fois organique et technologique, et d’une honnêteté sans compromis, qui défie les genres et déjoue tous les plans de la production musicale. Parasite Jazz . Plus qu’un trio, Parasite Jazz est une entité musicale radicale, dont le programme est simple : dérouter, entraîner et échapper à tout contrôle. Difficile de présenter Parasite Jazz, tant l’ADN de ce groupe repose sur la volonté délibérée de résister à toute forme d’identification et de catégorisation. Sakina Abdou Solo Goodbye Ground ( clip ci dessus) Avec son solo Goodbye Ground, enregistré pour un prestigieux label américain, la saxophoniste qui arpente depuis 10 ans la scène free hexagonale propose un rite de passage entre terre et air.
C’est à l’occasion d’une performance solo en livestream - pendant la période de « réinvention distancielle » imposée aux artistes durant le Covid – que Sakina Abdou s’est fait remarquer par le directeur du label états-unien Relative Pitch, qui lui a aussitôt passé commande d’un solo. Lemon Jam - Coup de chapeau à cette jam-session délocalisée pour l’occasion, mais qui se tient mensuellement à la MJC des Hauts de Belleville à Paris. Imaginée en 2021 par Taylor Philemon et Jessica Simon dans le but de réunir de jeunes musicien.ne.s qui n’osent pas jouer en jam, n’ont jamais joué en groupe ou souhaitent tout simplement se faire plaisir sans se mettre la pression, elle est devenue un rendez-vous prisé pour tous ceux avides de jouer ou découvrir différents horizons musicaux.

Jazz is the teacher disait un ténor barbu notoire. et peut comprendre qu’il ait de nombreux élèves indisciplinés et aventureux qui farfouillent dans les genres pour mieux les pousser ailleurs. Alors, de l’électronique au sample, de l’impro au sons teintés world, des croisements innovants aux relectures savantes ou groovy, de l’Afrique au funk, ne passant par un coup de chapeau rendu à la dernière édition de Sonic Protest qui se saborde à l’occasion, ce 41e Banlieues Bleues envoie une diversité qu’on trouve peu en un même endroit; même festivalier…

On vous offre quelques suggestions pour vos soirées non télé… Le 16/03 allez donc découvrir la fille de Paul Cook, Hollie qui s’affirme comme une valeur sûre du reggae britton. Le 19/03 , Vesna Pisarović, Noël Akchoté, Tony Buck pour le projet Poravna , un album qui transfigure la traditionnelle sevdah bosniaque. Les bonnes fées ne sont pas loin. Le 23/03 soirée malienne avec Mamani Keita et Vieux Farka Touré, le fils de l’autre. Le 22/03, on vous en a déjà beaucoup parlé : Idris Ackamoor & The Pyramids. Le 27/03, Mourir à la FNAC avec quatre improvisateurs chevronnés qui rebattent radicalement les cartes pour apprendre à mieux se connaître -« On est assez avancé techniquement. On se connaît bien les uns les autres, mais en changeant d’instrument, on se découvre à nouveau. » Dont acte : pour Mourir à la Fnac, Avice troque ses trompettes pour la batterie, Ducret son violoncelle pour le chant et la guitare électrique, et Mestre sa guitare pour la basse électrique. Viard, au saxophone ténor, est le seul fidèle à son instrument . Le 28/03, Sofiane Saidi Wa7di (Live) dernier projet du « prince du raï 2.O » ? Un ébouriffant solo électro, imaginé pendant le confinement puis rodé dans les clubs de Paris à Alger en passant par le monde entier. Tout pour la piste de transe. Le 2/04, Amaro Freitas Solo - Revenu d’une immersion en Amazonie, le pianiste brésilien transfigure les sons de la forêt pour accoucher d’une musique qui invite à un étonnant voyage sonore. Et, pour terminer, la star Angel Bat Dawid et son Sistazz of the Nitty Gritty . À quarante ans, cette héritière d’une longue portée de preachers rappelait l’importance du fondamental gospel dans cette histoire de Great Black Music. Depuis, la clarinettiste auto- proclamée « archéologue sonique » a publié plusieurs recueils qui tout en fouillant la mémoire du peuple blues – notamment les Hush Harbor, où les esclaves pratiquaient leurs cultes en secret – l’inscrivent dans le champ d’une actualité toujours aussi trouble.

Le modus operandi est simple :
- les réservations sont sur www.banlieuesbleues.org ou au 0149221010
- la billetterie sur billetterie@ banlieuesbleues.org

Jean-Pierre Simard, le 6/03/2024
Banlieues Bleues - 41e édition - 8/03 au 5/04/2024