L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le fantasme de la Reconquista blanche sur le monde

La France n'aura naturellement jamais été raciste. Ni même colonialiste. Trop vulgaire ! Pleine de sa bonne volonté, et convaincue de sa supériorité, elle allait civiliser les "sauvages", et allumer les Lumières dans l'obscurité de leurs cerveaux. Quels sauvages ? Sauvages, les arabes ? Les peuls ? Les chinois ? Les kanaks ? Les cambodgiens ? Il fallait donc inventer leur sauvagerie. La mettre en scène. Les animaliser. En faire des bêtes de foire. Et gagner de l'argent sur les tickets d'entrée, en vendant les cacahuètes qu'on jetait aux singes humains.

Tant que la France, l'Europe, la "civilisation chrétienne blanche européenne" aux 100.000 clochers, seront incapables de regarder cela en face, l'horreur qu'elles peuvent avoir été, être aujourd'hui, et redevenir demain pour les autres, ailleurs dans le monde, nous n'irons nulle part, nous échouerons. Crevettisés comme un Zemmour ou un Renaud Camus (qui en vivent pourtant très bien). A lécher nos plaies imaginaires et pleurer notre place perdue d'alpha mâle mondial. A moins que les blancs ne s'imaginent, par un retour de destin, capables de recoloniser le monde. Retrouver leur "grandeur" perdue par les armes (parce que c'est encore ce qu'ils ont pu s'offrir de mieux. Le top des armes appartient en effet aux nations européennes et post-européennes. Et on voit aujourd'hui à quel point c'est un sujet brûlant.

De ce point de vue, les 35 milliards investis sans discussion par la France dans la dissuasion nucléaire alors que nous disons manquer par ailleurs de tout est un très mauvais signal). Reprendre Pékin. Alger. Bamako. Bogota. "Remettre les choses dans l'ordre" - les sauvages en bas, nous (nous qui ?) en haut. Voilà ce qui se cache derrière ce qu'on nous vend, avec toutes les précautions de la "bonne communication", derrière la fable du grand remplacement, et toutes les menaces qui pèsent sur les "faibles" Amérique du nord anglo- saxonnes et l'Europe. L'envie de remettre les pendules à l'heure. De tout régenter à nouveau. Et pas seulement via l'économie.

1884-1885 : la Conférence africaine de Berlin, événement clé de la colonisation

Convoquée par Otto von Bismarck et Jules Ferry, cette conférence réunit les quatorze principales puissances mondiales d’Europe, les États-Unis d’Amérique, la Russie et la Turquie.
Elle avait pour objectif d’assurer la libre circulation commerciale sur les fleuves Congo et Niger et de dénoncer l’esclavage. Mais elle jette les bases d’un droit colonial au profit des pays occidentaux et esquisse les frontières de futurs pays africains dont les Occidentaux prennent possession.

Derrière le larmoyant "Defend Europe" des identitaires, ce que j'entends, lancinant, c'est "retrouvons notre grandeur passée !" Notre place si méritée d'être les maîtres du monde. Ce qui s'annonce, entre les lignes, derrière les discours chouineurs et victimaires sur la grandeur passée de l'Europe, tous les malheurs qui l'attendent, lui tombent dessus, c'est la volonté bien établie, et qui a de plus en plus de mal à rester cachée, de "remettre les pendules à l'heure", et les autres pays à leur place. En dessous. D'effacer les défaites du colonialisme. C'est ce que je pense depuis longtemps. C'est ce qui se passe de plus en plus ouvertement aujourd'hui. Ce qu'on prépare idéologiquement en Europe. La reconquista. La reconquête. Make America great again. Make Europe great again. Make Britain Great again.

Impossible ? Idiot ? Pensez à l'Italie de Mussolini et de son rêve de rétablir l'Empire romain. De faire à nouveau de l'Italie le centre du monde civilisé, elle qui n'envoyait que des migrants aux USA et en Argentine depuis des décennies. Ses conquêtes misérables, en Abyssinie, en Libye, dans les Balkans, et les catastrophes qui s'ensuivirent. La revanche est toujours tentante. Mais c'est un plat qui se mange rarement froid. Et coûte souvent très cher. Il est essentiel de nous libérer de tout cela. Ces fantasmes. Ces fantômes. Qui rôdent du côté obscur des Lumières. Le monde entier s'en porterait soudain mieux.

Christian Perrot

Vous auriez cru que la devise de la France des colonies était “Liberté, égalité, fraternité” ? Erreur. C’était “Progrès, civilisation, commerce”.