L'AUTRE QUOTIDIEN

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En fuyant, ils cherchent une arme (à Montreuil)

En fuyant, ils cherchent une arme est la réponse de Stéphanie Vidal à la thématique imposée par Annie Agopian, directrice de la Maison populaire de Montreuil : « L’Art c’est ce qui résiste » emprunté à Gilles Deleuze. Première occurence de la thématique : Des surfaces dénuées d'innocence. 

Stéphanie Vidal répond par une autre citation du philosophe français en s’emparant de mots qu’il a prononcés lors d’un cours donné à Vincennes en 1980: 

« Pour moi les lignes de fuites, c’est ce qu’il y a de créateur chez quelqu’un. Les lignes de fuites, c’est pas des lignes qui consistent à fuir, bien que ça consiste à fuir, mais c’est vraiment la formule que j’aime beaucoup d’un prisonnier américain qui lance le cri : « Je fuis, je ne cesse pas de fuir, mais en fuyant je cherche une arme ». Je cherche une arme, c’est-à-dire je crée quelque chose. Finalement la création c’est la panique, toujours, je veux dire, c’est sur les lignes de fuites que l’on crée, parce que c’est sur les lignes de fuites que l’on n’a plus aucune certitude, lesquelles certitudes se sont écroulées. »

Gilles Deleuze à Vincennes, Anti-Œdipe et autres réflexions, cours du 27/05/80

La consistance du monde a changé ; voilà que tout est devenu surface et que tout s’y imprime. Nous laissons des empreintes sur nos téléphones afin qu’ils s’activent, nous accumulons des historiques dans les moteurs de recherche et nos interactions sont conservées dans les profils que nous entretenons sur les réseaux sociaux. Aussi, nous offrons, sans forcément y penser, des données qui renseignent sur nos trajets et nos personnalités. Ce qui nous caractérise comme être agissant - qui se transcrit entre autres par nos voix, nos mouvements et les datas qui en découlent - est continuellement analysé. La traçabilité permanente de toutes les choses et de toutes les personnes dote chaque geste, parole, présence, voire même absence, d’une portée politique. Comment contrer quand les trajectoires sont calculées d’avance ? En rassemblant des œuvres majoritairement ubiquitaires - ayant à la fois une existence en ligne et in situ – cette exposition envisage de rendre tangible la surveillance de masse à l’ère des technologies conversationnelles, tout en soulevant un paradoxe : tandis que les corps sont continuellement « trackés », les faits semblent perdre en contextualité.

Le premier volet du cycle En fuyant, ils cherchent une arme s’interroge sur ce que signifie « résister » quand tout fait trace. L’exposition met en tension des dispositifs malicieux, à la fois fragiles et puissants, sophistiqués ou modestes, à l’image des cultures web effrontées. Certaines œuvres proposent des résistances faibles, des gestes ténus, répétitifs qui parfois ont l’apparence de la collusion ; d’autres prennent la forme de l’observation, de l’archivage ou de la ronde et évoquent des techniques du maquis. Ces propositions non-spectaculaires mais « essoufflantes » se déploient dans un espace d’une inquiétante banalité. Plus neutralisé que neutre, il évoque une forme actualisée et domestique de « non-lieu » ; entre l’open space et l’appartement que l’on retrouve, presque invariant, dans toutes villes et sur tous réseaux d’images. 

En fuyant, ils cherchent une arme profite de la logique ternaire proposée par la Maison Populaire pour déployer son propos sur trois expositions afin de montrer comment des artistes, mais aussi des penseurs voire des scientifiques contemporains, cherchent à travers leurs gestes, leurs protocoles, leurs rêves à bâtir modes et mondes de résistance. Chaque volet permet de proposer une réflexion sur cette nouvelle consistance du monde que nous éprouvons en abordant, tour à tour, l’ombre de la surveillance, le politique comme forme plastique et la volonté de forger des imaginaires inédits.

Maxime (dossier de presse) Duchamps le 20/01/18

En fuyant, ils cherchent une arme : 1/3 - Des surfaces dénuées d'innocence ->31/03/18
Maison Populaire de Montreuil - 9 bis, rue Dombasle 93100 Montreuil