L'AUTRE QUOTIDIEN

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La Ville écrite | pas de chemin, par Arnaud Maïsetti

Là où il y une volonté, etc.

Reprendre chemin : oui, mais où ? Devant soi, l’histoire est un grand mur mal maçonné, et l’horizon lui ressemble, comme le ciel et la terre, grise et haute, et couvert d’inscriptions parcellaires qui sont autant de livres, autant de pierres posées les unes sur les autres, mal cimentées, et on pose la main sur la paroi du monde et on se blesse, et on saigne peut-être, il pleut, le sang laisse à la surface des lettres sans ordre qui nomment le mur et la situation historique, no Way.

No Way, c’est ce qu’ils disent dans leur langue pour vaguement écarter l’hypothèse : nous, on dirait plutôt hors de question, mais eux, c’est le chemin qu’ils prennent pour dire : on ne prendra pas ce chemin. Il n’y a pas d’alternative pourtant, disent les autres :TINA en lettres brunes qui semble le programme électoral le plus partagé du monde ; nous, on voudrait le chemin qui fraie.

No Way écrit sur un mur, ce n’est pas une indication, plutôt une menace.

Le chemin, c’est à coup de pierres qu’il faudrait se l’ouvrir dans le mur, le fendre en deux comme du pain ou comme son propre crâne et aller, dans l’ignorance du chemin, ou pour mieux le désirer autre : pas de chemin, c’est le signe le plus sûr qui appelle à cracher et aller et aller encore comme dans le corps d’un monde qui dirait ce n’est pas par là, et c’est par là qu’on irait, loi du désir, des corps, des morsures et des mondes neufs.

arnaud maïsetti - 27 février 2017


Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | CarnetsFacebook et Twitter @amaisetti.