L'AUTRE QUOTIDIEN

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Qu’on en finisse avec l’année, par Arnaud Maïsetti

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Il faudrait un grand trou — non, finalement : pas un si grand trou —, et s’y mettre à plusieurs, pousser avec ceux qui n’ont pas peur du vide et qui enragent, pousser lentement, férocement, sûrement, et précipiter l’année qui est passée sur nous comme une maladie, une faute d’orthographe, une insulte encore. Il faudrait cela, et ensuite, se retourner, en se frottant les mains sur le pantalon, et en crachant sur le sol.

La haine du bilan est aussi grande que le désir de ne rien oublier. On passe ; on n’oublie rien, on passe quand même parce que la haine du bilan surpasse tout, et d’autres désirs. Comme regarder longuement tout à l’heure le vent balayer la mer par rafales, sur Pointe Rouge : quelle leçon politique. Ça déferlait, ça emportait, ça ne faiblissait jamais : et sur les fracas des vagues, des surfs allaient et venaient lentement en équilibre sur le désastre qui venait toujours bien assez tôt tout engloutir.

Au pouvoir désormais, partout, les intérêts des plus forts qui portent le masque de la conciliation — et son livre Révolution, pour mieux conserver tout — ; tout est au renversement, au masque qui n’a plus besoin de masque : tout le pouvoir aux cyniques, aux types qui n’ont même pas de perruques, mais des faux cheveux pour de vrai (d’un côté de l’Atlantique), ou à ceux qui disent tout et son contraire en même temps (de l’autre côté). Le vrai est un moment du faux ? Et en même temps, c’est vrai, mais ce pourrait être faux. Il faut d’autant plus s’armer de vérités plus âpres pour lutter pied à pied contre ce monde-ci, qui est partout.

Dans le grand bavardage du siècle qui tient lieu de monnaie de change à ceux qui prétendent que la démocratie règne, les indignations permanentes lèvent d’autres masques, qui empêchent de voir les visages — on s’indigne pour ne pas lutter, encore et encore ; et on s’indigne de ceux qui s’indignent ; et moi-même, ici, remets une pièce dans la machine peut-être ? Au moins, ces pages ont cela pour elles qu’elles sont secrètes, publiques mais personne ne les lit : battent le contretemps de ce temps, et tant pis pour le temps, et tant pis pour moi aussi.

Qu’on en finisse, décidément. Lire Genet lave de ce monde, de ce siècle, avec des salissures qui sont des remèdes, des poisons — mais au moins dans le théâtre qu’il lève, le faux est-il tenu pour lui-même, son rituel de simulacre dressé pour lui-même : et la vérité est dans l’action. Je lis Genet pour me laver, oui, et j’en sors plein de fièvre.

L’année se termine en agonisant : que la terre lui soit légère.

Avec la poussière qu’on emporte sous les ongles, on finira bien, peut-être, avec terreur et joie par commencer d’autres mondes qui en vaudraient la peine, oui.

arnaud maïsetti - 28 décembre 2017

Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | CarnetsFacebook et Twitter @amaisetti.