L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

D'un jour à l'autre, feuilleton du monde (5)

VOTEZ POUR MOI, JE SUIS CHRÉTIEN

La stupéfiante mention par François Fillon du fait qu'il soit chrétien, ce qui est sensé nous rassurer sur ses intentions, n'est pas seulement une mauvaise plaisanterie qui ne trompera pas grand monde du point de vue historique (pendant combien de siècles les pauvres ont-ils été exploités jusqu'à l'os par leurs très chrétiens seigneurs et maîtres ?), mais le rappel cinglant à qui veut l'ignorer d'où nous vivons : dans une Europe encore si conditionnée par des siècles de christianisme régnant, sous ses trois formes catholique, protestante et orthodoxe, qu'on ne peut en politique imaginer autre chose qu'un parti se déclarant ouvertement chrétien (démocrate, disons, comme en Italie et en Allemagne) sans verser immédiatement dans un terrible scandale qui agiterait le pays sans fin. Bonne chance au candidat aux présidentielles qui viendra dire qu'on peut l'élire en toute confiance parce qu'il est juif, musulman ou athée ! Vous imaginez cela possible ? Non. Et cela en dit long. Même si naturellement c'est une déclaration vide de sens et plutôt stupide (mais après tout, guère plus que celle de ces candidats millionnaires qui affirment qu'on peut voter pour eux parce qu'ils n'ont pas besoin de notre argent, ou de ces banquiers qui disent qu'on peut leur faire confiance pour gérer les deniers publics), elle rappelle que nous n'avons pas encore dépassé une vision christiano-centrée de notre société. 


INDIGNATION MAL PLACÉE

Parfois, dans Libération, qui suit imperturbablement tous les méandres de son parti (qui est naturellement celui de la raison cela va sans dire, et n'a donc pas à être nommé, ce qui serait malséant et superflu), et trouve du bon à tous les candidats de la primaire socialiste (il faut lire le numéro d'hier pour y croire), on lâche la bride sur un sujet mineur à un journaliste qui peut enfin dire tout le mal qu'il pense de quelque chose. Les contorsions électoralistes de Manuel Valls auront donc moins choqué à Libé - qui y est habitué, il faut dire - que les innocents tours de piste d'un cycliste de 105 ans qui prend une volée de bois vert : "Cet événement n’a rien de sportif. Il s’agit d’un cirque où les bêtes de foire ne sont exposées non pour ce qu’elles font mais pour ce qu’elles sont. Le fait majeur de Robert Marchand : simplement d’être en vie et en bonne santé. C’est beaucoup pour cet homme pétillant et, paraît-il, très sympathique. C’est insignifiant pour les autres."

Ouh la ! Comme ça y va ! Il s'agit pourtant d'un homme très sympathique ("paraît-il", il est vrai : au fond, qui peut l'affirmer ? Le doute est indispensable au journalisme sérieux) qui vient de s'offrir le plaisir de sortir faire quelques tours de vélo à 105 ans et de profiter de la vie. Tout l'article est du même ordre.

On aurait préféré lire : "Manuel Valls se présente aux présidentielles : c'est bien pour lui, c'est absurde pour nous". Enfin, tant qu'à dire du mal, il faudrait mieux choisir ses cibles.
Là, c'est cet article qui est absurde.