inspirations
Lutter, affronter le danger ; se jeter à l'eau pour sauver, non seulement un homme, mais un simple chat ; se nourrir de pain sec pour mettre fin aux iniquités qui vous révoltent ; se sentir d'accord avec ceux qui méritent d'être aimés, se sentir aimé par eux - pour un philosophe infirme, tout cela est peut-être un sacrifice, mais pour l'homme et la femme pleins d'énergie, de force, de vigueur, de jeunesse, c'est le plaisir de se sentir vivre.
Petr Alekseevitch Kropotkine - La Morale anarchiste
actualités
réflexions
« Calypso ne pouvait se consoler du départ d’Ulysse » : la redécouverte par Jacques Rancière de la pédagogie révolutionnaire de Joseph Jacotot, et ses implications en termes d’émancipation intellectuelle.
art
Une goutte sur le dos d’un escargot et qui contient le monde ? C’est une définition assez juste de ce que renferme l’exposition Bruit Rose. Les rapports sont ténus entre l’électro-dream de Saintes, le groupe d’Anne- Sophie Le Creurer, et le brutalisme punk des Gängstgäng d’Augustin Rebetez, de Zad Kokar ou d’Adolf Hibou, le groupe de Nils Bertho. Mais il y a du rêve et de la comédie partout, depuis les cascades atmosphériques de Sopoorific d’Alison Flora, jusqu’aux terreurs burlesques du Crazy Clown Time de David Lynch (en)chanteur. L’heure du clown dingo. Dingo comme l’attaque d’une drag-queen de quinze mètres de haut, qui winshlusse chez John Waters.
Pour nombre de nos congénères européens, la forêt amazonienne est encore la « forêt vierge » : dans un imaginaire occidental largement dominé par des considérations obsolètes, l’Amazonie est une vaste réserve d’animaux sauvages, le poumon vert de la planète que les assauts répétés des industries agricole et forestière n’ont pas encore complètement ravagée.
photo
Serge Hesse et son image au noir. Suite à la disparition du photographe Serge Hesse, survenue dramatiquement, dans l’invisibilité de tout un milieu très parisien de la photographie, d’une certaine photographie, il y avait celui qui archivait, déplaçait cette invisibilité d’un réel qui échappe toujours aux représentations reconnues et publiées, parce que non photographiables soi-disant, dans l’investissement et l’actualité d’un autre visage de nos sociétés, en le confrontant à ce qui le déterminait dans sa fonction politique et sociale, dans l’urgence du masque des solitudes « modernes », de l’aberration de ce qui fait faussement société, dans la mise au jour de tous ses artefacts.
Les sentinelles de Jack Dabaghian sont ces héros tragiques de l’antiquité classique, ces vénérables sentinelles de notre mémoire, les cèdres séculaires vivants et menacés, à la présence royale, à l’ombre rafraichissante, à la magnificence prodigieuse. Ils irradient leur sagesse en ces Monts du Liban, montagne sacrée, paysage de raison et d’éternité. Ici, tout semble immémorial et éternel, alors que le réchauffement climatique, en appauvrissant le peuple des oiseaux, a fait proliférer ce cancer invisible qui ronge ces géants bienveillants et les menace d’extinction, rongeant le bois, réduisant drastiquement la circulation de la sève.
Plongeant dans le monde du rêve lucide à travers une variété de pratiques anciennes et contemporaines, Ludovica De Santis crée des images étranges et merveilleuses tirées de son subconscient.
musique
Avec la sortie de son premier EP, Headz Gone West, en 2021, Nia Archives a immédiatement trouvé le bon filon, mêlant harmonieusement les breakbeats jungle à l'introspection décontractée de la néo-soul. Deux autres EP ont amélioré la formule, et la chanteuse/productrice a remporté de nombreux prix, s'imposant comme l'une des figures de proue du regain de popularité de la jungle. Qui dira 1994 se retrouve en 2024 ?
Si, en 2020, Alles in Allem était compact et percutant, ici nous avons quelque chose de tentaculaire et de cosmique - ou même de kosmische - avec un sentiment de grandeur majestueuse qui vient de quarante-quatre ans d'existence et d'incroyables défis. Si les albums peuvent être comparés à des romans, alors Rampen est un peu comme Ulysse en ce sens qu'il est nourrissant, complexe, excitant et frustrant, et qu'il est absolument impossible de le finir d'une traite. Essayez quand même, à la longue ça fascine.
in the mix
science-fiction
Un court recueil de quatre mini-essais, incisif et efficace, sur les métavers et les transhumanismes, entre fictions et réalités.
livres
Comment ne pas saluer ici le travail des éditions Mettray qui viennent de publier le premier volume des œuvres de Gérard Arseguel (1938-2020) ? Un auteur discret, qui, à part en ce qui concerne son premier livre, Décharges (éd. Bourgois) et Portrait du cœur sous les nuages (Flammarion, Poésie), n'aura publié que chez des éditeurs discrets, encourant ainsi le risque de passer sous les radars de notre curiosité bien souvent trop volatile.
Face à la noirceur, une vie de jeu et un jeu de la vie tout en rayonnement solaire – superbement exploré au fil des cartes déjà distribuées ou créées au fur et à mesure. Pour appréhender dans sa pleine profondeur de champ une vie aussi oscillante, aussi fureteuse et aussi potentiellement déroutante dans toute sa liberté que celle de Niki de Saint-Phalle, Gwenaëlle Aubry s’est penchée sur le jeu – jeu pratiqué et jeu rêvé, mais aussi jeu créant du jour dans l’épaisseur barricadée de la nuit.
Un court roman épistolaire d’une rare brillance, mêlant intimement guerre à travers le temps, sentiments improbables et poésie politique. « Les oiseaux du temps » s’inscrit dans la précieuse zone des chefs-d’œuvre (ici, très paradoxalement) intemporels. Un peu comme la rencontre pas si fortuite d’Ernst Jünger et de Donna Haraway, de Gérard Chaliand et de René Char, sur une table de dissection des sentiments abandonnée aux courants de l’Histoire.
arts graphiques
Le graphiste Marwan Kaabour, le photographe Isaac Flores et l'illustrateur Floss Burns discutent de l'identité, de l'"esthétique queer" et de ce que signifie être un créatif queer aujourd'hui.
cinéma
Le premier volet de l'adaptation par Denis Villeneuve de Dune, le chef-d'œuvre de Frank Herbert, était un film d'installation. Sa grandeur n'y était que d'apparats. Le second volet crée la surprise en prenant à rebours la déception première. Il gagne en ampleur parce qu'il prend tout le temps nécessaire à filer la tresse complexe des grands récits qui surdéterminent un destin comme autant de voix et d'interpellations contradictoires, pour en compliquer en dernière instance l'avènement, sournoisement assombri.
bd & mangas
Loin d’être une adaptation fidèle du roman, cet album est une belle variation autour du texte de McCarthy qui modifie les interprétations possibles du texte original par des choix radicaux. Si le livre de Manu Larcenet est une bande dessinée réussie et très impactante graphiquement, elle se prive peut-être d’une dimension qui en a fait ce chef-d’œuvre mondial - mais propose autre chose de percutant. Décryptage de l’album à la lumière du roman.
On aura rarement lu un livre aussi puissant, aussi juste —sans jamais oublier d’être piquant— pour décrire la difficulté à s’ouvrir aux autres et dire ce que l’on pense vraiment dans notre société qui essaie de nous convaincre que nous sommes dans l’ère de l’hyper-communication. Avec son trait simple et élégant, élaboré pour la presse, Will McPhail se met à nu et croque ses contemporains dans une fiction qui résonne d’une manière singulière avec notre quotidien.
architecture
Le bureau international de design et d'innovation CRA-Carlo Ratti Associati, en collaboration avec le regretté Italo Rota (1953-2024), dévoile un projet pour la Semaine du design de Milan 2024 transformant le jardin botanique de Brera en un parcours immersif explorant les multiples utilisations du riz - de l'alimentation au matériau de construction expérimental.
style & design
La tatoueuse coréenne Dami Nam alias Daldam réalise de magnifiques tatouages asiatiques verticaux jouant avec une forme rectangulaire. Sur un espace de peau très réduit, elle créé des motifs complexes et raconte des histoires inspirées par la culture de l’est de l’Asie. Etonnant à plus d’un titre. Voyez …
Un jour, alors qu’elle déchargeait son lave-vaisselle, une de ses soucoupes en porcelaine s’est brisée. Décomposée en plusieurs fragments, la vaisselle bien-aimée a perdu son utilité fonctionnelle en une fraction de seconde, mais Hafemann s’est mise à réfléchir à sa valeur, réfléchissant au poids émotionnel que la pièce avait encore, même dans son état morcelé.
nous
Tout journal est politique. Celui que nous faisons ne se cache pas cette évidence. Son existence, qui n'était pas donnée, car personne ne nous a invités, est déjà en elle-même un fait politique. Nous faisons irruption. Nous entrons par effraction dans le champ bien gardé des opinions bonnes à entendre. Sachant qu'exister, c'est résister, nous avons fait le choix d'exister. Or choisir est l'acte politique même. Choisir avec qui on vit et travaille est politique. Choisir l'égalité des salaires est politique. Dénoncer l'injustice est politique. Accepter (et accepter réellement) de donner la parole aux autres est politique. Proposer des haïkus dans nos éphémérides est politique. Mettre le sort d'un journal dans les mains de ses lecteurs est politique. Ce qui implique à nos yeux de répondre avant toute chose à des questions légitimes sur l'origine de ce projet, notre financement, nos objectifs, l'idée que nous faisons de notre travail.